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Togo. La défaillance des forces de sécurité dans la protection des participants à une conférence d’un parti d’opposition doit faire l’objet d’une enquête

D 7 octobre 2024     H 12:00     A Amnesty International     C 0 messages


Les autorités togolaises doivent immédiatement enquêter sur les violences graves qui ont eu lieu le 29 septembre lors d’une conférence organisée par le parti politique d’opposition Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA), a déclaré Amnesty International aujourd’hui.

Au cours de l’événement tenu à Lomé, plusieurs personnes, dont des députés et des journalistes, ont été blessées et ont dû recevoir des soins médicaux après qu’un groupe de personnes a lancé des objets sur le public et en direction du podium. Guy Marius Sagna, membre sénégalais du parlement de la CEDEAO, a été évacué de la salle avec une commotion cérébrale. Selon des témoins, les membres des forces de sécurité présents à proximité de l’événement ne sont pas intervenus.

« Il s’agit d’une attaque inacceptable contre les droits de réunion pacifique et à la liberté d’expression. Une enquête immédiate et indépendante est nécessaire pour faire la lumière sur l’inaction des forces de sécurité et pour traduire en justice les responsables de ces violences », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

Selon le témoignage d’un ancien député présent sur les lieux, les violences ont commencé lorsque Guy Marius Sagna a pris la parole. « Les chaises ont commencé à voler ; des projectiles dont des pierres ont ciblé le public et le podium. Les assaillants frappaient tous ceux qui les entouraient. J’ai été atteint à la tête par une pierre », a déclaré Targone Sambiri à Amnesty International.

Selon un journaliste blessé lors des violences, plusieurs journalistes ont été attaqués et au moins cinq ont été blessés. « Une dizaine de personnes me sont tombées dessus et m’ont frappé partout. Une consœur venue m’aider a également été frappée, et un autre a été frappé avec un trépied de caméra », a-t-il déclaré. Au total, au moins dix personnes ont été blessées, selon les informations recueillies par Amnesty International.

Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, secrétaire générale de la CDPA et députée de la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP), a déclaré à Amnesty International que les assaillants étaient assis dans le public et que des gendarmes présents à proximité de l’événement ne sont pas intervenus.

« Je n’étais pas inquiète car il y avait des gendarmes. Quand les violences ont commencé, des gens sont allés les interpeler mais ils sont restés de marbre. Nous qui étions à la tribune étions ciblés, » a-t-elle déclaré.

Dans un communiqué de presse publié le 30 septembre, le directeur général de la police nationale a annoncé l’ouverture d’une « procédure judiciaire », tout en précisant que « les organisateurs [de la conférence] n’avaient pas jugé utile de saisir les autorités compétentes pour bénéficier d’éventuelles mesures de sécurité ».

« Toute procédure judiciaire de ce type doit être pleinement conforme aux normes internationales relatives au droit à un procès équitable. Il faut également procéder à un examen approfondi du maintien de l’ordre lors de cet événement et de l’inaction constatée des forces de sécurité dans la protection des droits des participants à cette conférence. Nous appelons aussi les autorités à mettre fin aux nombreuses violations des droits de réunion pacifique et de la liberté d’expression au Togo », a déclaré Samira Daoud.

Violations répétées du droit de réunion pacifique au cours des derniers mois

Le 27 mars, au moins trois conférences de presse et réunions rassemblant des partis politiques et/ou des organisations de la société civile souhaitant exprimer leur désaccord avec un changement constitutionnel ont été interdites à Lomé et à Tsévié, puis dispersées par les forces de sécurité.

En avril, neuf membres de la coalition d’opposition Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK) ont été arbitrairement arrêtés pour « troubles aggravés à l’ordre public », puis relâchés quelques jours plus tard, tandis que les autorités interdisaient plusieurs manifestations prévues par des partis politiques et des organisations de la société civile. Le gouvernement a accusé les organisateurs des manifestations d’avoir des intentions violentes pour justifier les interdictions, citant des « informations concordantes et fiables ».

En août, une réunion de protestation prévue par une coalition de la société civile a été reportée après que le ministère de l’administration territoriale a déclaré que le lieu choisi n’était pas approprié et que la tenue d’un rassemblement à cet endroit violerait la loi régissant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestation pacifique et publique.

Certaines de ces atteintes aux droits de réunion pacifique et à la liberté d’expression s’inscrivent dans le contexte d’une modification constitutionnelle abolissant l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, adoptée en avril dernier par une Assemblée nationale composée essentiellement de représentants du parti au pouvoir et de ses alliés. Le Président du Togo est désormais élu par l’Assemblée nationale et le Sénat pour un mandat de quatre ans.