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Algérie : Nouvelle vague d’expulsions

Des migrants subsahariens disent avoir été battus pendant les rafles

D 6 mars 2018     H 04:27     A Human Rights Watch     C 0 messages


Les autorités algériennes ont procédé à des rafles de centaines de personnes d’Afrique subsaharienne depuis janvier 2018 – dont des femmes et des enfants – et expulsé beaucoup d’elles vers le Niger, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les autorités privent les personnes arrêtées de leur droit de contester leur détention et leur possible expulsion, ont déclaré certaines d’entre elles à Human Rights Watch.

À l’instar des vagues d’arrestations qui avaient eu lieu en octobre 2017 et en décembre 2016, les forces de sécurité ont arrêté les gens par groupes, dans la rue ou sur des chantiers du bâtiment, où beaucoup travaillent. La majorité – voire la totalité – d’entre eux ont été emmenés dans un centre situé à Zeralda, en périphérie de la capitale, où ils ont passé entre un et trois jours dans de grandes pièces sans matelas et avec très peu de nourriture, ont déclaré des personnes arrêtées à Human Rights Watch. Les forces de sécurité ont ensuite expédié les migrants par bus vers le sud, à 1 900 km de là, dans un camp de Tamanrasset. Lors des rafles précédentes, ils emmenaient une partie des migrants en camion à In Guezzam, une localité près de la frontière, puis leur faisaient traverser la frontière pour entrer au Niger.

« L’Algérie rafle et déporte les migrants de façon dégradante et les prive de leur droit à voir leur situation étudiée de façon individuelle », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.

Un activiste local, souhaitant rester anonyme, a déclaré que ces rafles de centaines de migrants s’étaient produites le 24 janvier et le 10 février. On ne connaît pas le nombre total des personnes expulsées en 2018. L’International Rescue Committee (IRC), qui gère un programme d’assistance aux migrants à Agadez au Niger, a estimé qu’elles étaient 3 000 au total depuis début 2018, dont 500 depuis le 10 février. La plupart sont originaires du Niger, d’autres, en plus petit nombre, du Nigeria, du Cameroun, du Mali et de Guinée.

Des sources fiables à Alger ont déclaré à Human Rights Watch que parmi les personnes détenues en janvier et février, figuraient 20 réfugiés et demandeurs d’asile, dont deux mineurs. Les autorités ont libéré certaines de ces personnes après avoir vérifié leur statut, d’autres se sont enfuies lors de leur transfert vers Tamanrasset. Pour deux d’entre elles au moins, on ne sait pas ce qu’elles sont devenues.

Le 13 février, Human Rights Watch a pu joindre par téléphone trois hommes détenus à Tamanrasset. Chacun de leur côté, ils ont décrit comment la police les avait placés en détention sans leur donner l’occasion de récupérer leurs papiers ou leurs économies. Ils ont également rapporté que les autorités n’avaient pas procédé à des contrôles afin de vérifier leur situation ou leur statut, ne leur avaient pas informés de leurs droits et ne leur avaient pas permis de contacter les représentants consulaires de leur pays.

Ils ont déclaré avoir été détenus avec des centaines d’autres personnes à Zeralda, à 30 km d’Alger, où ils ont dû dormir par terre et n’ont reçu que des biscuits et du pain à manger pendant deux jours. Ils ont déclaré que parmi les personnes détenues, se trouvaient des Nigériens, des Maliens, des Camerounais et des Ivoiriens, y compris des femmes et des enfants.

Tous trois ont déclaré soit avoir vu les gendarmes frapper d’autres détenus, soit avoir eux-mêmes été frappés lors de leur transfert vers Tamanrasset. D’après leurs descriptions, les conditions sont inhumaines dans le camp de Tamanrasset, qui est sale, surpeuplé et où les détenus passent une journée entière sans être nourris.

L’Algérie a le pouvoir de contrôler ses frontières. Elle peut déplacer les personnes dont la présence dans le pays n’est pas légale, qui n’ont pas le statut de réfugié, ne font pas l’objet d’une procédure de demande de protection en cours et n’ont pas de revendication sérieuse, du point de vue des droits humains, qui interdit leur déplacement, en tenant compte notamment du droit à une vie familiale. Cependant, l’Algérie devrait donner à chaque individu une véritable opportunité de contester son déplacement et de faire examiner ses circonstances personnelles. Elle ne devrait pas soumettre les migrants à une détention arbitraire ni à aucune forme de traitement inhumain et dégradant.

En tant que partie à la Convention de 1951 sur les réfugiés et à la Convention de 1987 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’Algérie n’a pas le droit de déplacer de force un réfugié ou un demandeur d’asile dans un endroit où il serait menacé de persécution, ni de déplacer une personne quelconque dans un endroit où elle courrait le risque d’être torturée ou soumise à un traitement inhumain et dégradant. Les revendications de toute personne exprimant ces craintes doivent être examinées lors de procédures complètes et justes, alors que la personne est dans le pays.

L’Algérie est également partie à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui interdit les expulsions collectives de travailleurs migrants ou de leurs proches et exige que les gouvernements parties à la convention examinent et décrètent chaque expulsion potentielle de façon individuelle. La convention s’applique à tous les travailleurs immigrés et à leurs familles, indépendamment de leur statut migratoire ou de travailleur.

Les migrants devraient être placés uniquement en détention administrative, de façon individuelle, dans le plein respect du droit à l’application régulière de la loi et des garanties de procédure, et ce seulement en dernier recours et le moins longtemps possible. Pendant cette détention, ils doivent pouvoir communiquer avec leurs familles et avoir accès au HCR, l’organe des Nations Unies pour les réfugiés, et aux représentations consulaires. Enfin les conditions de détention et de traitement doivent pleinement respecter les normes internationales relatives aux droits humains.