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Algérie : Répression accrue contre les manifestants

D 21 novembre 2019     H 05:34     A Human Rights Watch     C 0 messages


Des dirigeants du mouvement pro-démocratie ont été arrêtés avant la tenue de l’élection présidentielle dans des circonstances controversées

Les autorités algériennes ont arrêté de nombreux activistes du mouvement pro-démocratie depuis septembre 2019, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Beaucoup d’entre eux sont toujours détenus sur la base d’accusations vagues comme « atteinte à l’unité nationale » et « entreprise de démoralisation de l’armée ». Les autorités devraient immédiatement remettre en liberté sans conditions les activistes pacifiques et respecter les droits aux libertés d’expression et de réunion de tous les Algériens.

« Cette vague d’arrestations semble s’inscrire dans une stratégie visant à affaiblir toute tentative d’opposition aux dirigeants intérimaires de l’Algérie, et à leur volonté de tenir une élection présidentielle le 12 décembre », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les autorités prétendent que cette élection prévue ouvrira une nouvelle ère pour la démocratie en Algérie, mais il n’y a rien de démocratique dans cette répression généralisée des détracteurs du gouvernement. »

Un mouvement de protestation, connu sous le nom de Hirak (« Mouvement » en arabe), s’est formé en février, initialement dans le but de s’opposer au projet du président Abdelaziz Bouteflika de briguer un cinquième mandat, et a depuis lors continué sur son élan en organisant de vastes manifestations tous les vendredis afin d’appeler au départ de l’actuel gouvernement et à la mise en place d’un cadre politique plus pluraliste et inclusif pour préparer le pays à des élections libres. Les autorités ont tout d’abord toléré ces manifestations mais, à partir de juin, ont commencé à arrêter des groupes de manifestants, dont au moins 40 pour avoir brandi le drapeau des Amazighs, symbole de cette importante communauté ethnique qui, jusqu’alors, avait été toléré.

Les autorités ont poursuivi en justice quelques personnalités en vue du mouvement Hirak, comme Lakhdar Bouregga, un ancien combattant de la guerre d’indépendance algérienne, à partir de juin, et ont intensifié la répression depuis septembre. Les autorités ont inculpé les dirigeants du mouvement, les accusant de menacer la sûreté de l’État, l’unité nationale et l’intégrité du territoire, d’avoir appelé à un rassemblement illégal et d’atteinte au moral de l’armée. Au moins 13 de ces dirigeants sont en détention préventive, tandis que d’autres sont en liberté dans l’attente d’un procès.

Le président Bouteflika a démissionné le 2 avril, deux semaines avant la date prévue de l’élection présidentielle, laquelle a alors été reportée. Le président du Sénat, Abdelkader Bensalah, l’a remplacé et les autorités ont fixé la nouvelle élection présidentielle au 4 juillet, avant de la reporter une nouvelle fois. Le 15 septembre, Bensalah a annoncé que le scrutin se tiendrait le 12 décembre.

Depuis la démission de Bouteflika, l’homme qu’il avait nommé chef d’état-major de l’armée et vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah, 79 ans, est considéré comme le nouvel homme fort de l’Algérie. Gaïd Salah a publiquement décrié le mouvement de protestation. Le 18 septembre, peu après l’annonce de la nouvelle date de l’élection, il a affirmé qu’une organisation criminelle aux intentions malveillantes tentait d’empêcher l’élection de se tenir et a donné aux forces de sécurité toute latitude pour protéger le processus électoral d’un « complot. »

Le 10 octobre, les autorités ont arrêté Abdelouhab Fersaoui, président du Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), une association active au sein du mouvement de protestation. Il est détenu à la prison de Harrach à Alger en compagnie de neuf autres membres de l’association, dont l’un de ses fondateurs, Hakim Addad.

Le 26 septembre, les services de renseignement militaires ont arrêté Karim Tabbou, une personnalité en vue de l’opposition. Il est l’ancien secrétaire général d’un important parti d’opposition, le Front des Forces Socialistes (FFS), et dirige actuellement un parti non reconnu officiellement. Il est détenu à la prison de Kolea, dans l’attente de son procès sous les accusations d’atteinte à l’intérêt national et de recrutement de mercenaires pour le compte de puissances étrangères.

Le 16 septembre, la police a arrêté Samir Belarbi, et deux jours plus tard Fodil Boumala, des dirigeants du Hirak qui s’exprimaient régulièrement dans les médias nationaux et internationaux. Ils ont été déférés devant deux tribunaux différents à Alger et inculpés d’« atteinte à l’intégrité du territoire national » et de « distribution de documents de nature à nuire à l’intérêt national », en vertu des articles 79 et 96, respectivement, du code pénal.

Les autorités ont également pris pour cible des journalistes qui ont couvert les manifestations. Saïd Boudour, un journaliste d’Oran membre de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, et Mustapha Bendjama, rédacteur en chef du quotidien d’Annaba Le Provincial, ont été arrêtés, puis remis en liberté dans l’attente d’un procès.

Des procès-verbaux de police versés aux dossiers judiciaires dans certaines de ces affaires montrent qu’une brigade spécialisée dans la lutte contre la cybercriminalité surveille les activités sur les réseaux sociaux de certains dirigeants du mouvement. Les rapports issus de ces activités de surveillance forment la base d’accusations à la formulation vague d’atteinte à la sûreté de l’État ou à l’unité nationale.

Le 11 novembre, le tribunal de Sidi M’hamed à Alger a entamé le procès de 42 activistes inculpés d’« atteinte à l’intégrité du territoire national » aux termes de l’article 79 du code pénal, pour avoir brandi le drapeau amazigh, a déclaré Kaci Tansaout, un porte-parole du Comité national pour la libération des détenus, organisation créée le 26 août par des activistes et des avocats afin de prendre la défense des personnes arrêtées lors des manifestations.

Pour davantage de détails sur les arrestations et les détentions, veuillez lire ci-dessous.

Pour consulter d’autres communiqués de Human Rights Watch sur l’Algérie, veuillez suivre le lien :
https://www.hrw.org/fr/middle-east/n-africa/algeria