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EGYPTE : A la veille de la COP27, RSF appelle à la libération d’Alaa Abdel Fattah dont la vie est en jeu

D 6 novembre 2022     H 12:00     A Reporters sans frontières     C 0 messages


Après plus de 200 jours de grève de la faim partielle, le blogueur et activiste britannico-égyptien Alaa Abdel Fattah a annoncé qu’il avait totalement cessé de s’alimenter et qu’à partir du dimanche 6 novembre, il ne boirait plus d’eau. Reporters sans frontières (RSF) alerte sur l’urgence de la situation : si aucune mesure n’est prise dans les prochains jours, Alaa Abdel Fattah mourra.
"Une action immédiate pour sauver Alaa Abdel Fattah est plus que jamais nécessaire, déclare Jonathan Dagher, responsable du bureau Moyen-Orient de RSF. Les autorités égyptiennes ont depuis longtemps fait comprendre qu’elles ne se souciaient pas du sort d’Alaa Abdel Fattah. Il appartient à la communauté internationale, et en particulier aux autorités du Royaume-Uni, dont Alaa est également citoyen, de faire pression pour obtenir sa libération. Le risque qu’Alaa Abdel Fattah meure en prison est élevé. C’est une issue terrifiante que nous ne pouvons pas permettre."

Dans une lettre envoyée à sa famille et rendue publique le 31 octobre, Alaa Abdel Fattah a annoncé qu’il allait intensifier sa grève de la faim au moment de l’ouverture de la COP27, la conférence mondiale sur le climat qui se tiendra en 2022 à Sharm el Sheikh, en Égypte. Il y explique : "J’ai décidé d’intensifier, au moment opportun, ma lutte pour ma liberté et celle des prisonniers."

Alaa Abdel Fattah est en grève de la faim depuis le 2 avril, ne consommant que 100 calories par jour, avec une cuillère à café de miel et de lait. Le matin du 1er novembre, Alaa a bu sa dernière tasse de boisson chaude. Le dimanche 6 novembre, premier jour de la COP27, Alaa Abdel Fattah arrêtera complètement de boire de l’eau. "Ce qui suivra est inconnu", écrit-il dans sa lettre. Un corps humain peut généralement survivre trois à quatre jours sans eau, selon les personnes.

Une voix qu’ils veulent faire taire

Programmeur et blogueur, Alaa Abdel Fattah est l’une des principales voix des manifestations de 2011 qui ont renversé le gouvernement Moubarak après trois décennies au pouvoir. Sa première arrestation post-révolution a eu lieu le 30 octobre 2011. Le procureur militaire l’a placé en détention pour avoir écrit l’article "To Be With the Martyrs, for that is Far Better", suite au massacre de Maspero au cours duquel l’armée a tué 26 manifestants coptes au Caire. Le 28 novembre 2013, Alaa Abdel Fattah est à nouveau arrêté et condamné à 5 ans de prison. Sa libération en mars 2019 n’a été que partielle, l’obligeant à passer ses nuits en détention dans un poste de police à Dokki pendant 5 ans. Mais seulement quelques mois plus tard, en septembre 2019, le blogueur a été à nouveau arrêté et condamné à 5 ans supplémentaires de prison. Il est derrière les barreaux depuis lors.

Alaa Abdel Fattah, qui a obtenu la citoyenneté britannique en avril 2022 grâce à la nationalité de sa mère, a demandé à plusieurs reprises au gouvernement britannique d’intervenir en sa faveur. Et plusieurs responsables ont déclaré avoir évoqué son cas avec des homologues égyptiens, notamment l’ancienne Première ministre Liz Truss, en sa qualité de ministre des Affaires étrangères, qui a affirmé qu’elle "travaillait très dur pour sa libération".

Sa sœur, Sanaa Seif, est actuellement engagée dans un sit-in de 20 jours devant le ministère des Affaires étrangères à Londres, jusqu’au début de la COP, dans l’espoir d’attirer l’attention du ministre des Affaires étrangères et du Premier ministre - aucun d’eux n’a encore rencontré la famille malgré la nécessité d’une intervention diplomatique urgente.

Du côté égyptien, le gouvernement s’est obstiné à minimiser, voire à nier, la grève de la faim du blogueur. Sa sœur Mona Seif a accusé les autorités de falsifier les rapports sur l’état de santé de son frère et a mis le gouvernement au défi de diffuser des images d’Alaa depuis sa cellule de prison.

Lorsqu’elle a appris la nouvelle de la décision radicale de son frère, elle a écrit sur Facebook : "Alaa a déjà gagné cette bataille. S’il s’en sort vivant et nous rejoint, nous, sa famille, en sécurité. Alors il l’aura fait en utilisant uniquement son corps et ses mots. Elle ajoute : S’il ne s’en sort pas et meurt en prison, son corps dira au monde entier quelle bande de menteurs vous êtes tous : des créatures inhumaines et impitoyables auxquelles on ne devrait pas confier une plante, et encore moins des gens ou l’avenir de cette planète."

Un message du président égyptien à l’approche de la COP 27

Malgré la pression internationale croissante à l’approche de la conférence sur le climat, le gouvernement égyptien reste ferme dans sa volonté d’étouffer les journalistes indépendants.

Sept jours avant la COP, les autorités égyptiennes ont arrêté un autre journaliste. Manal Ajrameh, rédactrice en chef adjointe du célèbre hebdomadaire Al-Iza’a Wa Al-Television (’’La radio et la télévision’’), a été arrêtée à son domicile le 1er novembre au matin pour des raisons inconnues, dans ce qui ne peut être compris que comme une réponse retentissante de la part du gouvernement aux appels à la libération des prisonniers en Égypte.

Le 24 octobre, le président Abdel Fattah Al-Sissi a interrompu un talk-showsur la chaîne Al Oula pour exprimer sa colère concernant une brève intervention dans l’émission d’un membre de l’opposition. Pendant une heure et 18 minutes, le président a parlé sans interruption, donnant des leçons au journaliste sur le rôle des médias tout en proférant des menaces voilées à l’endroit des journalistes critiques.

Ces incidents surviennent alors que le gouvernement égyptien tente de redorer son image auprès des dirigeants et des investisseurs étrangers. Aux côtés de Manal Ajrameh, 22 autres journalistes sont actuellement enfermés dans les prisons égyptiennes, la plupart sans procès, accusés de "diffusion de fausses nouvelles" ou d’"adhésion à des organisations illégales".

En juin, RSF a publié un rapport intitulé Les marionnettes du président Al-Sissi, les présentateurs TV en campagne contre le journalisme montrant comment les principaux présentateurs de télévision pro-gouvernementaux et les médias contrôlés par l’État en Égypte sont utilisés pour lancer puis amplifier des campagnes de dénigrement contre les quelques journalistes encore critiques envers le gouvernement.