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La nouvelle Libye est « entachée » par les atteintes aux droits humains dont sont victimes les prisonniers

D 29 octobre 2011     H 05:09     A Amnesty International     C 0 messages


Les nouvelles autorités de Libye doivent éradiquer les détentions arbitraires et les violences généralisées infligées aux prisonniers, a écrit Amnesty International jeudi 13 octobre dans un nouveau rapport.

Les nouvelles autorités de Libye doivent éradiquer les détentions arbitraires et les violences généralisées infligées aux prisonniers, a écrit Amnesty International jeudi 13 octobre dans un nouveau rapport.

Dans ce document intitulé Detention Abuses Staining the New Libya, l’organisation dévoile la pratique généralisée qui consiste à rouer de coups et à infliger des mauvais traitements aux soldats de Mouammar Kadhafi capturés, aux personnes soupçonnées de lui être fidèles et aux mercenaires présumés dans l’ouest de la Libye. Dans certains cas, on constate des preuves flagrantes de tortures infligées à titre punitif ou dans le but d’extorquer des « aveux ».

« Le risque est réel qu’en l’absence de mesures fermes et immédiates, certaines pratiques du passé ne soient remises au goût du jour. Les arrestations arbitraires et la torture ont en effet caractérisé le régime du colonel Kadhafi, a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« Nous avons bien conscience que les autorités de transition sont confrontées à de nombreux problèmes, mais si elles ne rompent pas clairement avec le passé dès aujourd’hui, elles feront passer le message selon lequel il est toléré dans la nouvelle Libye de traiter les prisonniers de cette manière. »

Depuis fin août, des milices armées ont arrêté et placé en détention pas moins de 2 500 personnes à Tripoli et al Zawiya.

Selon Amnesty International, les prisonniers sont presque toujours détenus sans décision légale et pour la plupart sans autorisation du parquet général. Ils sont placés en détention par des conseils locaux, parfois militaires, ou des brigades armées – bien loin de tout contrôle du ministère de la Justice.

Les délégués de l’organisation se sont entretenus avec 300 prisonniers en août et septembre. Aucun ne s’était vu présenter un mandat d’arrêt d’aucune sorte et beaucoup avaient en fait été enlevés chez eux par des ravisseurs non identifiés qui font des raids chez les combattants ou les fidèles présumés de Kadhafi.

Au moins deux gardiens, dans des centres de détention différents, ont admis qu’ils frappaient les prisonniers afin de leur extorquer des « aveux » plus rapidement.

Sur le sol de l’un des centres de détention, les délégués d’Amnesty International ont retrouvé un bâton, une corde et un tuyau en caoutchouc, qui pourraient servir à frapper les prisonniers, y compris sur la plante des pieds – méthode de torture baptisée falaqa.

Dans un centre de détention, ils ont entendu des bruits de coups de fouet et des cris provenant d’une cellule proche.

Il semble que les prisonniers sont soumis aux coups et à la torture plus particulièrement au début de leur détention, en guise de « bienvenue » à leur arrivée.

Entre un tiers et la moitié des prisonniers sont des personnes originaires d’Afrique subsaharienne soupçonnées d’être des mercenaires. Certains ont été libérés, aucun élément de preuve n’ayant permis de les relier aux combats.

Un homme originaire du Niger, initialement présenté à Amnesty International comme étant « un mercenaire et un tueur », s’est effondré et a expliqué qu’il avait « avoué » après avoir été frappé sans discontinuer deux jours durant. Il a nié avoir participé aux combats.

Les Libyens noirs, notamment originaires de la région de Tawargha, qui a servi de base aux forces pro-Kadhafi lors de leurs manœuvres visant à reprendre le contrôle de Misratah, sont particulièrement vulnérables. Des dizaines d’habitants de la région ont été arrêtés chez eux, à des postes de contrôle et même dans des hôpitaux.

Amnesty International a également découvert que les enfants étaient enfermés avec des adultes et que les prisonnières étaient gardées par des hommes.

Un adolescent de 17 ans, originaire du Tchad, accusé de viol et de mercenariat, a raconté à Amnesty International que des hommes armés étaient venus le chercher chez lui en août et l’avaient conduit dans une école. Là, ils lui ont asséné des coups de poing et l’ont frappé à l’aide de bâtons, de ceintures, de fusils et de câbles en caoutchouc.

« Ils m’ont frappé si cruellement que j’ai fini par leur dire tout ce qu’ils voulaient entendre. Je leur ai dit que j’avais violé des femmes et tué des Libyens. »

Amnesty International a exhorté le Conseil national de transition (CNT) à veiller à ce que personne ne soit arrêté sans ordre du parquet général et à ce que les centres de détention soient placés sous le contrôle du ministre de la Justice.

En outre, les détenus doivent être autorisés à contester la légalité de leur détention ou être remis en liberté.

Dans l’ouest de la Libye, les procédures judiciaires ont été suspendues depuis que le CNT a pris le contrôle de la région. Dans l’est du pays, que le CNT contrôle depuis février, elles sont toujours suspendues.

Lors de rencontres avec Amnesty International en septembre, les responsables du CNT ont reconnu les problèmes de détentions arbitraires et de mauvais traitements, et se sont engagés à faire davantage en vue de reprendre en main les milices armées et de garantir que tous les prisonniers jouissent d’une égale protection de la loi.

« Le CNT doit prendre des mesures de toute urgence afin de traduire ces engagements publics en actes, avant que les atteintes aux droits humains ne s’enracinent et ne ternissent le bilan de la nouvelle Libye, a affirmé Hassiba Hadj Sahraoui.

« Ces prisonniers ont pour la plupart été arrêtés sans mandat et roués de coups – voire pire – lors de leur arrestation et à leur arrivée en détention. Ils sont exposés aux violences des milices armées, qui agissent bien souvent de leur propre initiative.

« Les autorités ne sauraient laisser faire simplement parce qu’elles traversent une phase de " transition ". Toutes ces personnes doivent avoir la possibilité de se défendre correctement ou être remises en liberté. »