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Libye : Cacophonie chez les rebelles

D 28 mai 2011     H 04:57     A Bertold de Ryon     C 0 messages


C’est de plus en plus étroitement que la direction de la
rébellion libyenne, le Conseil national de la transition (CNT)
basé à Benghazi, se laisse associer à la politique des
principales puissances impérialistes. Jeudi 05 mai 2011, le
« Groupe de contact » - associant les pays qui participent à
l’intervention militaire en cours en Libye – réuni à Rome a décidé
de créer un « fonds spécial ». Ceci pour financer la rébellion
libyenne.

On va, ainsi, de compromis
en compromissions. Tout
d’abord, dans un premier
temps allant de la mifévrier
à début mars 2011,
la rébellion libyenne avait
rejeté toute forme
d’intervention étrangère.
« No foreign intervention :
Libyan people can manage
it alone » (« Pas
d’intervention militaire, le
peuple libyen peut y arriver
tout seul », à renverser
Kadhafi), pouvait-on lire sur une gigantesque banderole,
publiquement déroulé sur un immeuble à Benghazi, le 1er mars
dernier. Puis, la position officielle de la rébellion était : soutien
aérien par des puissances extérieures – oui ; intervention de
troupes au sol – non. Cela aussi est désormais dépassé, depuis un
bon moment. Depuis que les rebelles sont encerclés à Misrata, la
troisième ville de Libye où la situation des enfermés est
réellement dramatique, certains de leurs leaders n’arrêtent pas de
demander : « Que fait l’OTAN ? » ; et demandent l’envoi de
troupes au sol.

Cette inflexion de leurs positions reflète d’abord une difficulté
objective : la rébellion n’arrive pas à venir à bout, militairement,
du régime libyen de Mouammar al-Kadhafi. A cela, il existe une
explication objective et matérielle. Le terrain, en Libye, n’est pas
propice à la conduite d’une lutte de guérilla, pour des raisons
purement géographiques. Au Sahara, qui couvre une majeure
partie du territoire du pays, des groupes de guérilla ne peuvent
trouver des caches, il n’existe ni villages ni sous-bois. Aucune
protection n’existe contre les conditions climatiques extrêmes.
Cette réalité géographique favorise une armée « classique »,
structurée et organisée sur le plan logistique, avec des lignes
d’approvisionnement derrière le front. Elle défavorise toute
rébellion encore désorganisée, et/ou toute entreprise de guérilla.
Il n’en reste pas moins que l’infléchissement politique de la ligne
officielle des rebelles pose un énorme problème politique pour
l’avenir de la Libye si elle arrive à se débarrasser de l’ancien
régime, encore solidement en place dans la partie Ouest du
pays. L’annonce, fin mars, de la rébellion qu’elle allait « respecter
tous les accords conclus par le régime de Kadhafi » avec l’Europe
(surtout l’Italie et la France) - non seulement en matière
d’approvisionnement énergétique mais aussi d’internement de
migrants jugés « indésirables » en Europe – est un très mauvais
signe politique.

Certes, toute la rébellion libyenne ne se résume pas au CNT, un
groupe de personnalités coopté (et non pas élu) qui s’est luimême
érigé en porte-parole des rebelles. Après 42 ans de
dictature de Kadhafi, les forces politiques sont quasiment
inexistantes en Libye, des forces sociales structurées ou des
syndicats encore plus. Politiquement, toute opposition doit se
chercher encore. En tant que telle, la rébellion contre ce pouvoir
est plus que légitime. Mais dans l’absence de toute structuration
d’une opposition politique ou sociale, ce sont parfois des anciens
piliers du régime de Kadhafi eux-mêmes qui se sont reconvertis
en « chefs rebelles ». Le CNT est ainsi dirigé par Mustapha
Abdeljalal, l’ancien ministre de la Justice de Kadhafi, et le bras
militaire des rebelles par Abdel Fattah Younis, qui fut son
ministre de l’Intérieur. Bien que leur passage aux rebelles reflète
la crise du régime de Kadhafi, pour l’avenir du pays, la Libye
mérite certainement mieux…

Bertold du Ryon