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Libye : Des experts de l’ONU demandent la libération d’Iftikhar Boudra

D 9 août 2022     H 08:30     A     C 0 messages


Des experts de l’ONU* ont demandé ce lundi la libération immédiate d’Iftikhar Boudra, une Libyenne arrêtée à Benghazi il y a quatre ans, et exigé que les autorités libyennes lui fournissent un traitement médical urgent, suite aux séquelles des diverses formes de violence subies pendant sa détention.

« Nous sommes gravement préoccupés par les violences sexuelles, physiques et psychologiques dont Mme Iftikhar Boudra aurait fait l’objet depuis son arrestation », ont déclaré les experts de l’ONU.

Les femmes touchées de façon disproportionnée par l’abus et l’exploitation

En 2021, la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) a relevé un ensemble cohérent de violations des droits de l’homme touchant de manière disproportionnée les femmes dans les centres de détention du pays, bien qu’elles constituent la minorité de l’ensemble des détenus.

Les cas signalés d’abus et d’exploitation comprennent des conditions de détention inhumaines, des actes de torture généralisés, notamment des violences sexuelles, et un manque criant de soins de santé pour les détenus.

« La privation de liberté et la violence qu’elle subit sont profondément ancrées dans le genre et visent à la fois à la punir pour avoir exprimé ses opinions et à servir d’exemple à d’autres femmes qui pourraient exprimer des opinions similaires à l’avenir », ont déclaré les experts.

Selon les défenseurs des droits humains, « c’est également un exemple d’abus de pouvoir de sa vulnérabilité en tant que femme en prison qui souffre d’une situation de santé précaire ».

Prise pour cible pour avoir dénoncé l’anarchie et la militarisation de l’État

Les experts ont ajouté que les femmes militantes qui subissent des formes de discrimination intersectionnelles sont plus vulnérables aux règles et pratiques discriminatoires.

« L’arrestation d’Iftikhar Boudra fait partie d’un certain nombre de cas de femmes prises pour cible en raison de leurs convictions et activités politiques et démontre les obstacles et les défis spécifiques auxquels les femmes sont confrontées dans l’exercice de leur liberté d’expression », ont précisé les experts.

Les conclusions de la Mission d’enquête indépendante sur la Libye, dans son récent rapport, viennent encore renforcer ce constat.

Iftikhar Boudra aurait été prise pour cible pour avoir dénoncé l’anarchie et la militarisation de l’État dans l’est de la Libye sur les médias sociaux et critiqué les actions menées par le groupe armé du général Haftar, ont signalé les experts.

Ces derniers sont « très préoccupés par les poursuites et les condamnations récurrentes de civils par des tribunaux militaires dans l’est de la Libye, y compris des femmes et des enfants », et ont averti qu’elles constituaient « une violation directe des obligations juridiques internationales et nationales de la Libye ».

« La détention au secret et les mauvais traitements infligés à Iftikhar Boudra, les violences dont elle aurait fait l’objet et les conséquences de ces conditions de détention inadéquates sur sa santé physique et mentale et sur sa vie constituent de graves violations des droits de l’homme », ont poursuivi les experts.

Libérer Iftikhar Boudra et lui apporter des soins

« Nous demandons au gouvernement libyen de libérer Mme Iftikhar Boudra et de lui fournir immédiatement les soins médicaux et le traitement dont elle a besoin pour se remettre d’une série de blessures graves qui lui ont été infligées en prison », ont déclaré les experts.

Ils ont également demandé un soutien psychologique et d’autres formes de soutien, ainsi que la mise en place de services spécifiques pour remédier aux préjudices résultant des violences sexuelles qu’elle a subies en détention.

Malgré certains progrès, les violations des droits de l’homme sont monnaie courante en Libye. Depuis le cessez-le-feu d’octobre 2020, les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire par des groupes armés ainsi que par différentes unités armées opérant en tant qu’organismes d’État se sont poursuivies sans relâche.

La MANUL a documenté des meurtres, des disparitions forcées, des violences sexuelles, notamment des viols, des arrestations et des détentions arbitraires, des actes de torture, des attaques contre des militants et des défenseurs des droits de l’homme, ainsi que des crimes de haine.

« Il est crucial de s’attaquer à l’impunité généralisée et de garantir la justice pour les victimes, car les groupes armés non étatiques ne prennent systématiquement aucune mesure efficace pour prévenir et punir les infractions », ont déclaré les experts, soulignant les obligations de l’État en vertu d’un cadre juridique international solide, notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.