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Où en est la « nouvelle Libye » ?

D 1er janvier 2012     H 16:45     A     C 0 messages


Le Conseil national de transition et le président libyen Abdeljalil sont loin de faire l’unanimité. Des manifestations éclatent contre le nouveau régime, essentiellement à Benghazi, point de départ des premières révoltes contre Kadhafi.

Il n’y aura pas de chèque en blanc pour ceux qui se présentent comme les principaux libérateurs du pays. La période où les dirigeants pouvaient traiter le pays comme leur quasi-propriété est définitivement terminée. Ce sont là les principaux enseignements que pouvaient tirer les membres du Conseil national de transition (CNT) libyen ces derniers jours.

Chose bien inédite, en ce mois de décembre 2011, des manifestations ont exprimé la colère et les critiques d’une partie de la société vis-à-vis des dirigeants, au sein même de leur fief géographique. Particulièrement dans la deuxième ville de Libye, la capitale de l’est du pays, Benghazi.

C’est de Benghazi qu’étaient parties, à la mi-février 2011, les premières manifestations contre le régime de Kadhafi, avant que la contestation civile ne fasse rapidement place à une répression sanglante puis à des affrontements armés. C’est à Benghazi aussi qu’a été fondé le Conseil de transition, d’abord local puis national. Après la chute de l’ancien régime à Tripoli, fin août 2011, Benghazi continue de jouer un rôle important dans la nouvelle situation politique du pays. Le 12 décembre dernier, un membre du CNT, Abdelrazak Al-Aradi, a annoncé la décision « de faire de Benghazi la capitale économique du pays ». Elle implique le transfert de plusieurs ministères, surtout liés à l’activité économique.

Cette annonce était aussi destinée à contrebalancer la vive contestation qui venait de percer au grand jour. Le 12 décembre également, plusieurs milliers de personnes avaient manifesté dans la ville. L’objet de leur protestation était surtout la très forte opacité du CNT, qui reste actuellement le principal organe de pouvoir en Libye avant les élections législatives qui auront lieu d’ici quelques mois. Les délais annoncés varient entre huit et vingt mois ; il faudra, de toute façon, observer un certain délai avant de pouvoir organiser de réelles élections. Sous Kadhafi, aucune force politique n’existait en Libye, puisque les partis politiques étaient interdits comme toute forme d’association ou de syndicat.

Le CNT, dont le noyau était d’abord formé par une partie de la bourgeoisie privée de Benghazi (économiquement prospère mais politiquement marginalisée jusqu’ici) ainsi que des juristes et des intellectuels, a ensuite recruté des cadres qui avaient été des dirigeants du régime kadhafiste mais qui venaient de changer de bord. C’est le cas de son président Mustapha Abdeljalil, ancien ministre de la Justice de Kadhafi, mais qui avait aussi été un membre des Frères musulmans durant sa jeunesse et avant l’interdiction de ce mouvement sous Kadhafi.

La constitution du CNT s’est fait par cooptation : ses premiers membres ont recruté les autres. Il compte 31 dirigeants. L’identité de tous n’est pas connue de la population. Ainsi, les manifestants du 12 décembre scandaient des slogans tels que : « Le slogan du 17 février [jour des premières manifestations] était la transparence ; où est-elle, messieurs ? », mais aussi : « Où est l’argent du pays ? » En réaction au mécontentement devenu visible, Mustapha Abdeljalil a immédiatement annoncé l’activation d’un site Internet du CNT et la mise en ligne des informations essentielles sur ses membres : leur identité, leur CV et leurs activités.

Le lendemain, 13 décembre, environ 5 000 personnes (selon des estimations de témoins) ont de nouveau manifesté à Benghazi, aux cris de « À bas le nouveau régime ! » Cependant, cette fois-ci, autant de personnes sont descendues dans la rue, mais pour appuyer le CNT.

Un autre problème de la « nouvelle Libye » est celui-ci des milices armées, issues des rangs des anciens rebelles qui formaient le bras militaire du CNT. Le nouveau pouvoir a dû promettre à une population fatiguée des brimades des hommes en armes, et des milices de la ville. Par ailleurs, il a été annoncé que 15 000 anciens rebelles seraient intégrés dans la future armée libyenne.

Bertold du Ryon