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La condamnation de Wafaa Charaf confirme les atteintes aux droits de l’Homme au Maroc

D 22 août 2014     H 05:15     A Henri Le Roux     C 0 messages


La jeune militante marocaine a été condamnée le 12 août à un an de prison ferme pour "accusations calomnieuses". Ses soutiens français et marocains tentent de rencontrer l’ambassadeur du Maroc afin d’obtenir sa libération immédiate.

Wafaa Charaf, 26 ans, est actuellement en prison au Maroc. Militante politique au sein du Mouvement du 20-février (M20F) et du parti La Voie démocratique (VD), membre de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Tanger, elle fait partie de ceux qui ne se taisent pas. De ceux qui dérangent, donc, au plus haut niveau de l’Etat marocain. Des représentants d’associations, syndicats et partis politiques français et marocains se sont rassemblés jeudi après-midi devant l’ambassade du Maroc à Paris pour dénoncer la répression politique dans le royaume de Mohammed VI.

Une délégation des signataires de l’appel pour sa libération avaient demandé une audience à l’ambassadeur du Maroc en France, Chakib Benmoussa. Peine perdue. Le 14 août étant un jour férié au Maroc, les policiers ont tranquillement éconduit la délégation, arguant que l’ambassade était tout simplement fermée. Saïd Sougty, secrétaire régional de VD Europe, parle du "mépris" de l’ambassadeur envers les militants du NPA, du Parti de gauche, de l’Afaspa, du Mrap, de la LDH ou de l’AMDH qui avaient fait le déplacement.

"Notre indignation est totale aujourd’hui et nous continuons le combat auprès des prisonniers politiques. Ne soyez pas étonnés que les grèves se multiplient au Maroc, qu’il y ait des manifestations, parce que le peuple est au bout de sa patience."

Le rassemblement s’est terminé par une minute de silence pour Moustapha Meziani, un étudiant mort menotté à un lit d’hôpital dans la nuit de mercredi à jeudi après une grève de la faim de plus de deux mois.

Le cas de Wafaa Charaf : retour sur les faits

Le 27 avril dernier, alors que Wafaa Charaf quitte une manifestation de soutien aux ouvriers grévistes de l’usine Greif, dans la zone franche de Tanger, elle est enlevée par des hommes en civil et emmenée de force dans un véhicule banalisé à 12 km de la ville. Ses kidnappeurs, qui se présentent comme des policiers, l’interrogent sur ses activités politiques, syndicales et associatives, sur ses contacts. Pendant plusieurs heures, des coups, des insultes... et la menace d’autres sévices si elle ne cesse pas de militer. "On lui a bien signifié qu’il faut qu’elle se calme et qu’elle arrête ses activités", explique Fatima Har, de l’association Ailes-FM. Après l’avoir intimidée, les "policiers" cassent son portable et l’abandonnent sur le bord de la route.

La jeune femme dépose plainte auprès des autorités judiciaires de Tanger. "Pour les besoins de l’enquête", elle est régulièrement convoquée au commissariat. Des convocations répétées qui s’apparentent bientôt à du harcèlement et à une forme de vengeance des autorités pour avoir osé dénoncer les méthodes policières. Sa famille en fait également les frais. "Sa mère, son père et sa jeune soeur ont eux aussi été interrogés par la police, pendant plusieurs heures", ajoute Fatima Har. Wafaa Charaf décide finalement de ne pas se présenter à l’une de ces convocations. Le 9 juillet, la police vient l’arrêter au domicile de ses parents. Inculpée avec un autre militant d’"accusations calomnieuses" et pour avoir porté plainte pour des faits qui n’ont pas eu lieu, elle est placée en détention préventive jusqu’à son procès. Le 12 août, après plus de 20 heures d’audience, Wafaa Charaf est reconnue coupable de toutes les charges retenues contre elle. Le tribunal la condamne à un an de prison ferme, 5 000 dirhams d’amende et 50 000 dirhams de dédommagement pour la partie civile (près de 5 000 euros). L’autre prévenu, Boubker Khamlichi, est relaxé.

Dans son rapport de mission pour l’Afaspa, Michèle Decaster raconte comment elle a été arrêtée et séquestrée par la police marocaine et empêchée d’assister au procès. La secrétaire générale de l’Afaspa rapporte également qu’une trentaine d’avocats avait "volontairement pris la défense des accusés" et démontré "les nombreuses irrégularités de procédure et l’absence de preuve de l’accusation". Selon Amnesty International, "un avocat de la défense a indiqué que le tribunal avait refusé d’appeler des témoins clés et n’avait pas révélé l’existence d’un enregistrement téléphonique qui a été déterminant pour la condamnation de la jeune femme".

Après plus d’un mois en détention, la jeune femme, incarcérée à la prison de Tanger, aurait un bon moral, assure Fatima Har. Mais ses soutiens s’inquiètent pour l’état de santé physique de cette jeune fille "assez frêle". Wafaa Charaf a fait appel de sa condamnation. Tout comme Oussama Housne, lui aussi militant du M20F, également membre de l’ADMH, condamné le 23 juillet à trois ans de prison ferme et 100 000 dirhams d’amende. Son crime ? Il a porté plainte après avoir été enlevé, torturé et violé par des "inconnus".

Henri Le Roux

Source : http://www.humanite.fr