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Maroc : dynamiques sociales de la crise economique

D 24 juillet 2013     H 05:57     A Chawqui Lotfi     C 0 messages


Le Maroc n’a pas encore atteint le point culminant de la récession économique mais tout indique le risque d’un basculement majeur. Selon l’économiste Najib Akesbi, le déficit budgétaire se creuse d’année en année. Le déficit commercial, quant à lui, atteindrait le record historique de 200 milliards de dirhams. Le rapport social de l’ODT note que le « déficit du compte courant de la balance des paiements a atteint 62,8 milliards de DH soit 10% du PIB. Déficit très lourd et jamais inégalé, en plus d’un déficit commercial aux alentours de 22% du PIB, soit 183 Milliards de DH et un taux de croissance ne dépassant pas les 2,8% ; tandis que le taux d’endettement a atteint 65% du PIB soit 196 milliards de DH soit 6,8 milliards de plus que 2011 et l’endettement public continue sa progression en flèche, en hausse actuellement de 8,5%. La dette globale (intérieure et extérieure) a atteint 583 milliards de DH dont celle de l’administration centrale qui représente désormais 56,8 du PIB au lieu de 53,7 à la fin de l’année 2011. ». Pour le dire autrement, le Maroc est confronté à plusieurs problèmes majeurs :

On a de moins en moins les moyens de financer les importations
Le volume global des exportations est en baisse même si c’est à différencier en fonction des secteurs.
Le recours à la dette extérieure reconnait une montée structurelle
La dette publique en explosion signifie le risque de restructurations majeures et de crise financière d’institutions et d’entreprises publiques lourdement endettés et dont les commandes publiques et les recettes sont en diminution
Il faut rajouter aussi le recul des investissements dans une série de secteurs et des faillites d’entreprises en particulier dans le bâtiment, le textile, l’aéronautique, le tourisme.

Les rentrées en devises ( qui servent à financer les importations, rembourser la dette ) liés aux apports des ressortissants marocains à l’étrangers, aux recettes des privatisations ou au tourisme ont connu une baisse importante et cumulative. Une baisse qui a pris plus d’ampleur ces dernières années, entraînant ainsi une diminution des réserves extérieures, au point que la menace d’un épuisement total du stock de devises a ressurgi
Cela dans un contexte :
de variation des prix des denrées alimentaires et des dépenses énergétiques mais qui est orientée structurellement vers la hausse.
Des effets majeurs des accords de libre échange qui ont réduit sensiblement les droits de douane.

De la crise de liquidités et de crédit qui touche toutes les banques et qui des répercussions sur les petites et moyennes entreprises et qui se trouvent, du jour au lendemain, incapables de faire face aux problèmes de trésorerie. Sur les trois premiers mois de l’année 2013, les crédits au secteur privé ont accusé une baisse de 15 milliards de dirhams. Et aucun domaine n’échappe : le commerce, qui a vu son encours reculer de 20%. Pareil pour le secteur des transports et des télécoms, dont les financements ont subi un repli de 7,1%. L’industrie ou encore le BTP avec des baisses respectives de 2,1 et 1,1%. Même le secteur financier, longtemps épargné par la crise, entre en zone de turbulences, puisque son encours de crédits s’est contracté de 6,1%
Nous retrouvons les caractéristiques du risque de la crise cardiaque dont parlait Hassan II. Du point de vue des indicateurs économiques nous sommes proches de la situation de 1981. Mais avec des différences importantes :

L’état structurel de la récession économique au niveau mondial qui est beaucoup plus fort et la zone euro qui est le principal partenaire du Maroc est la zone la plus touchée
l’affaiblissement des leviers économiques et financiers de l’état après 30 ans de libéralisation
la perte sensible du pouvoir d’achat des classes populaires sur la même période.
Existe-t-il des marges économiques pour atténuer l’effet de la crise du capitalisme ?
Les formes d’insertion dans la mondialisation capitaliste ou si l’on veut dans la division internationale du travail ont « structuré » les caractéristiques générales de l’économie locale :

C’est une économie qui reproduit et aggrave le développement inégal des territoires : il y a une concentration des zones d’investissements publics et privés dans certains espaces ( l’axe casa kenitra/ les zones franches autour de Tanger Med/ l’agriculture d’exportation en particulier dans le Souss ) au détriment du reste du pays. Il faut rappeler que l’axe Kénitra-Casablanca représente l’essentiel des installations industrielles et les 3/4 des emplois dans ce secteur, la seule région urbaine de Casablanca attire la moitié des investissements. L’autre facette de ce « développement » est la marginalisation de régions entières et des populations qui y vivent.
C’est une économie qui reste très peu diversifiée : le secteur du textile , les agrumes, le phosphate, les produits de pèche , le tourisme constituent encore l’essentiel des activités tournées vers l’exportation. Les différents plans de développés ces 15 dernières années visant la « mise en place de plans sectoriels afin de développer l’offre exportable du pays » ont reproduit ce type de structure économique.

Ainsi un ensemble de mesures ont été prises pour développer et encourager l’agriculture d’exportation en termes d’exemptions d’impôts et de subventions publiques, d’extension de la surface cultivable. Mais cette politique profite pour une bonne part à des capitaux étrangers et aux capitalistes agraires locaux, ne crée pas d’emploi et aggrave la destruction de la petite paysannerie sans pour autant développer les exportations. .

Le textile à son tour historiquement un des principaux réservoirs de la main d’œuvre connait depuis longtemps une érosion de ses parts de marché en raison de la concurrence internationale et il y a eu une vague importante de fermetures d’entreprises ces dernières années. Les exportations ont baissé en 2008 et 2009 de 10%. Les pertes d’emploi dans le secteur du textile ont été estimées par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale à 9.700 postes entre janvier et mars 2009 par rapport à la même période de l’année précédente. Cette tendance s’est confirmée depuis.

Le Maroc détient 70% des réserves mondiales de phosphates estimées. Les ventes ont rapporté 24 milliards de dirhams (2,09 milliards d’euros) pendant les six premiers mois de l’année 2008, soit 31,8% du total des exportations mais il y a eu un recul de la demande mondiale sur les engrais en raison de la réduction des crédits bancaires alloués aux agriculteurs et d’un essoufflement de la demande mondiale en raison de la crise.

Le tourisme a connu une contraction importante et nombre de projets de stations balnéaires et de renouvellement du parc touristique, financé en partie par les capitaux du golfe sont à l’arrêt.

Les investissements de l’immobilier représentent 33% du total des investissements directs étrangers, tous secteurs confondus. Or si ces investissements ont pu développer la production de la cimenterie, les prix de l’immobilier ont explosé sous l’effet de la spéculation. Les cadres de l’administration ou des entreprises privées arrivent à peine à acquérir un appartement minuscule destiné initialement à reloger les habitants des bidonvilles. Le groupe Addoha a édifié, en quelques années, une fortune gigantesque en vendant des boxes de 60 m2 à au prix de 400 euros/m2 !. Dans toutes les villes du Maroc, les prix d’un logement convenable ont atteint et même dépassé le niveau des prix en vigueur en Europe. En 2008, le gouvernement a décidé, dans une convention avec la Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers, la mobilisation d’une réserve foncière publique de 3.853 hectares sur la période 2009-2012, notamment par l’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisation. Mais la construction de logements ne suit pas la demande et une large crise immobilière est en train de se manifester
Le plan de relance de l’activité industrielle s’étale de 2009 à 2015 et sera doté de 12,4 milliards de dirhams. Créer 220.000 emplois directs et augmenter le PIB de 50 milliards de dirhams comptent parmi les objectifs officiels de ce « pacte national pour l’émergence industrielle ». Ce contrat-programme, qui compte au total 111 mesures dont 48 concernent la compétitivité des entreprises, sera centré sur l’offshoring, l’automobile, l’aéronautique et l’électronique. Mais là encore l’exemple de Tanger med montre l’écart entre les proclamations et la réalité. A l’exception de certaines filières ( exemple les centre d’appel ou l’usine Renault ) , il n’ y a pas d’investissements massifs ou d’afflux de capitaux étrangers et locaux.

Ce qu’il est important de retenir est que Les « efforts d’investissement » sont pour l’essentiel tournés vers le soutien aux activités d’exportation, à l’implantation de capitaux étrangers qui rapatrient leurs profits d’une part, ou aux investissements de nature « improductifs » qui n’ont pas d’effet d’entrainement sur l’ensemble du tissu économique : tourisme, textile, immobilier par exemple. Mais contrairement à une analyse répandue ce n’est pas seulement le fruit d’une dépendance externe où l’économie locale subirait passivement les injonctions du FMI et l’affaiblissement de la croissance dans les pays européens. Le fonctionnement concret du capitalisme dans une formation sociale donnée résulte de la combinaison de facteurs externes (l’insertion dans l’économie mondiale ) mais aussi de facteurs internes : structures de classes, répartition du revenu, formes de domination politiques etc… Et de ce point de vue la structure particulière de la classe dominante joue un rôle important pour comprendre les politiques économiques en cours. La crise financière de l’état n’est pas seulement le fruit des politiques de libéralisation et des accords de libre-échange, elle est liée également à d’autres facteurs :
Au Maroc, l’économie ne doit pas seulement répondre aux exigences d’accumulation du capital en général mais assurer la reproduction de la fraction dominante comme fraction hégémonique ( dont le noyau dur est le palais et quelques grandes familles ) au sein de la bourgeoisie locale et répondre aux besoins de légitimation du pouvoir. C’est cette caractéristique qui explique en partie :

Le phénomène cristallisé de corruption et d’impunité économique que permet l’usage de ressources publiques à des fins d’accumulation privé , phénomène qui a permis de cristalliser une base sociale d’appui au pouvoir central mais qui se traduit concrètement par un détournement des finances, des privilèges et passe droits, une exonération fiscale etc qui coute des dizaines de milliards. Ainsi par exemple , la réduction des impôts sur les grandes entreprises et hauts revenus a entrainé depuis 2007 un manque à gagner de 30 milliards. Les vagues d’exonération et d’amnistie fiscales qui touchent tant les entreprises publiques que privées et en particulier dans le foncier et l’immobilier ont genéré une perte sèche de recettes de plus de 36 milliards. Mais c’est aussi ainsi que le pouvoir a pu s’acheter la docilité de l’armée, de la technobureaucratie, de secteurs supérieurs de la classe moyenne…
Le phénomène cristallisé de prédation économique qui prend la forme non seulement du budget royal mais aussi des aides financières, bancaires, de subvention publiques, d’ouvertures de nouveaux marchés, de commandes publiques, de mises à disposition du foncier etc… autour des activités royales et de ceux qui sont proches du palais et qui s’élèvent également à des dizaines de milliards. On peut aussi rajouter les aides de l’état pour « socialiser les pertes » et assurer des « taux de profits exceptionnels »
On peut aussi rajouter la promotion de « projets inutiles » qui sont de véritables gouffres financiers mais qui sont des moyens de légitimation politiques vis-à-vis de « partenaires étrangers » ( la transformation de la ville de dakhla par le qatar, le projet du TGV etc…)

On doit également prendre en compte le phénomène particulier de l’évasion des capitaux : les milliardaires placent leur argent dans les banques suisses ou ailleurs. Selon la banque africaine de développement il y aurait eu un transfert de 431 milliard de dirham entre 2000 et 2009 et plus de 220 milliards de dh pour la seule année 2011 ! Sans compter que le code actuel des investissements autorise le rapatriement des bénéfices nets des multinationales, ce qui équivaut à plusieurs milliards annuels .
Rajoutons le poids spécifique des budgets improductifs. Ainsi par exemple le cout de l’intervention dans le Sahara occidental et en particulier de l’entretien de l’armée représente 5,1% du PIB alors que la moyenne mondiale est de 1,9%

Ce mode de « développement » a une limite : la prédation et corruption élargie suppose une extorsion permanente des ressources publiques contradictoire avec la baisse des recettes de l’Etat (en raison même des conséquences de la libéralisation/privatisation, du poids de la dette, de la baisse continue des recettes fiscales, de l’explosion de la fuite des capitaux et du maintien à un haut niveau de dépenses improductives et exonérées : budget de la défense, consommation du palais, activités spéculatives, agrobusiness royal etc…) alors même que le niveau des dépenses incompressibles ne cesse d’augmenter : facture énergétique, facture alimentaire, explosion des prix des matières premières.

La combinaison de contraintes extérieures et internes cristallisent une crise financière de l’état et approfondissent la crise économique. De ce point de vue les marges économiques tendent à devenir plus étroites. Mais il faut aussi prendre à l’inverse d’autres facteurs qui permettent conjoncturellement d’éviter une crise cardiaque brutale :
le Maroc pourrait attirer de nouveaux investisseurs des pays de golfe surtout ceux qui fuient la récession économique et l’instabilité des marchés financiers aux USA et en Europe. Les perspectives de bénéfices sont meilleures Au Maroc et le risque est négligeable. Il y a une véritable montée des capitaux du golfe et des aides financières tant pour des raisons politiques qu’économiques
Le Maroc peut également attirer des capitaux qui fuient l’instabilité politique de leurs pays. L’annonce faite selon laquelle « 1200 hommes d’affaires tunisiens auraient déjà où seraient sur le point de déplacer leurs investissements vers le Maroc est partiellement vrai . Selon la Banque centrale Tunisienne, les transferts de fonds réalisés vers le Maroc suite à ces multiples départs sont estimés à plus de 500 millions d’euros.

Il y a depuis quelques années un développement de partenariats économiques et des implantations de plus en plus nombreuses en Afrique Subsaharienne qui diminue l’effet d’étranglement de la récession économie européenne
– le Maroc pour des raisons essentiellement géopolitiques continue à recevoir des appuis financiers avec des conditionnalités plus souples que d’autres pays : exp prêt récent du FMI

Le poids du secteur informel est encore important dans l’économie marocaine. Ce secteur échappe à toute logique économique capitaliste et fonctionne à l’abri des influences des crises internationales. A titre d’exemple, les recettes des trafics de drogue qui se chiffrent en milliards de dollars, jouent un rôle important dans l’économie du Maroc et continueront à doper partiellement le marché immobilier et de la construction.

Mais ces différents éléments ne sont pas de nature à atténuer la crise sociale et les facteurs structurels de la crise qui sont liés au maintien et approfondissement des politiques libérales et de prédation.

On pourrait dire que les effets majeurs de la crise économique sont encore devant nous mais que les facteurs de fragilité se multiplient. Il n’ y a pas de politique économique globale de sortie de la crise ou d’atténuation réelle de ses effets mais une gestion au jour le jour. En réalité une crise brutale peut émerger sous l’effet de tel ou tel facteur ou de leurs combinaison : une hausse importante et prolongé de la facture énergétique, une crise majeure de l’immobilier, un effondrement de la production agricole suite à deux ou trois années de sècheresse , une aggravation de la récession européenne, une augmentation des taux d’intérêt de la dette etc…

L’impact social de la crise

Il y a, et c’est un phénomène qui tend à se préciser, des contradictions qui émergent au sein de la classe dominante. La combinaison d’une libéralisation importante et le renforcement du pole hégémonique se fait au détriment d’autres secteurs de la bourgeoisie. Karim tazi est sans doute le porte-parole le plus clair de ce conflit d’intérêts. Mohamed Berrada, ancien ministre et royaliste, a formulé des critiques directes sur l’ouverture incontrôlé au détriment du secteur industriel traditionnel. Il y a sans doute une différence d’intérêt entre le secteur maffieux ou lié l’insertion dans l’économie mondiale et les secteurs de la bourgeoisie qui bénéficiait de formes de protection nationale et d’aides plus consistantes de la part de l’état. On ne peut savoir de quelle manière ces contradictions vont s’exacerber e mais c’est un élément en gestation qui a son importance.

Les secteurs de la classe moyenne sont broyés par les évolutions actuelles. La petite et moyenne production marchande, les petites et moyennes entreprises sont particulièrement fragilisées et exposées. C’est le cas des entreprises familiales liés à la distribution des marchandises qui subissent l’extension des grandes surfaces mais aussi les entreprises sous-traitantes dans une série de secteurs ( textile, cimenterie, artisanat, transport de marchandises). La difficulté d’accès à des crédits pour financer leur trésorerie s’est accentuée depuis 2008. De même le secteur des transports connait une concurrence sauvage. A leur tour, les secteurs des classes moyennes liés aux professions libérales (pharmaciens, avocat, instituteurs, cadres de la fonction publique.. ;) subissent non seulement l’érosion de leur pouvoir d’achat mais aussi un étranglement financier lié à l’ampleur prise par les crédits de consommation et de logement.

Les couches populaires connaissent un alignement vers le bas des conditions sociales de la reproduction de la force de travail, alignement visible dans l’exclusion de secteurs sociaux importants du droit à la santé, l’éducation, l’emploi, à la retraite et l’accès aux services publics de base. le nombre des pauvres « absolus » a doublé en 10 ans, atteignant, à partir d’estimations restrictives, 19 % de la population (5,5 millions d’habitants), il faut rappeler que la majorité des Marocains vit avec moins de 30 dh ( 3 euros ) par jour. En sachant que la majorité des familles survit grâce à un seul revenu, cela revient à prédire une paupérisation absolue de larges fractions de la société. En réalité, des millions de personnes sont exclues de la satisfaction des besoins les plus élémentaires d’éducation (68 % d’analphabètes), d’eau potable (seulement 57 % de la population y a accès sans pour autant bénéficier dans sa totalité d’un réseau d’assainissement), d’électricité, de soins (1 médecin pour 2200 habitants, 1 % du PIB), de logement salubre (le déficit est estimé à plus d’un million). Les classes populaires urbaines sont confrontées en particuliers à la question du logement, de l’emploi et de la hausse des prix et des factures d’eau et d’électricité. -

En raison du développement territorial inégal, le Maroc inutile concentre des contradictions multiples : faiblesse ou absence des investissements et d’infrastructures de base, marginalisation sociale, réduction des ressources vivrières, concentration de la misère. Les différents programmes sociaux et de désenclavement, tel que le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté décidé en 1996, les projets de développement pour le Nord, le programme d’électrification rurale, le programme d’approvisionnement en eau potable des populations rurales, le développement des micro-crédits, etc., tous largement financés par les institutions financières internationales et l’UE visent à créer des « filets sociaux » pour les couches les plus démunies afin de stabiliser l’exode rural et l’immigration clandestine sans succès majeur et s’avèrent incapables de freiner les mécanismes d’exclusions. Il faut aussi noter l’impact social de la fermeture de l’immigration qui constituait une aide principale dans certaines régions ( en particulier dans le nord et sidi ifni )
les salariés de la fonction publique connaissent les restructurations liées aux politiques libérales : gel des salaires, extension des contrats précaires, éclatement des statuts professionnels, baisse des effectifs et dégradation des conditions de travail. Les salariés du privé , dans leur grande majorité n’ont pas accès aux droits les plus élémentaires, bien au-dessus du minimum nécessaire, contenus dans le code du travail. Surexploitation qui se traduit par des salaires de misères, des conditions de travail moyenâgeuses, le despotisme patronal absolu, la flexibilité permanente. Il faut aussi noter qu’aujourd’hui plus de 43 000 entreprises déclarent encore des salaires inférieurs au salaire minimum garanti. 37,2% des salaires sont en dessous du Salaire minimum interprofessionnel garanti Et seulement 5% des salaires atteignent ou dépassement 10 000 DH. Les Allocations familiales 200 DH / Mois. Plus de 7 millions de retraités touchent une pension maximale de 600 DH / Mois. 7,4 Millions de personnes sont sans retraites. Il y a une extension de la logique de surexploitation dans les secteurs émergents : dans les zones off shore dans le nord, il n’y a aucune règlementation du travail dans les centre d’appel par exemple.

L’ensemble de ces réalités sociales traduisent une concentration inégalitaire des richesses qui s’est développée d’une manière extraordinaire ces 20 dernières années, un arrêt des possibilités d’ascension sociale par le bais du diplôme et de la fonction publique, un rétrécissement au lieu d’une extension des classes moyennes, une crise sociale qui prend des dimensions multiformes. D’une certaine manière, la contradiction fondamentale est celle qui oppose la logique maffieuse, libérale et prédatrice du capital et la satisfaction des droits et besoins élémentaires des classes populaires. Pour ces différentes raisons, c’est plutôt l’instabilité sociale qui est la caractéristique centrale de la situation.

Le cours actuel de l’offensive

Dans le contexte social et économique actuel quels sont les lignes de l’offensive de « ceux d’en haut » ? Pour l’essentiel il s’agit de recettes classiques :

Démantèlement progressif de la caisse de compensation
Augmentation sensible de la TVA : pour les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée qui ont enregistré une hausse de 23,9% par rapport à fin 2007, s’élevant à près de 57 milliards de dirhams.
Augmentation de la pression fiscale : Pour ce qui est de l’impôt sur le revenu, il a atteint 30 milliards de dirhams, soit une progression de 18,7%. Le dernier rapport du Conseil économique et social était arrivé à la conclusion que la pression fiscale n’était pas équitablement répartie entre les entreprises, de sorte que seule une petite catégorie de ces dernières assumait la plus grosse partie du fardeau fiscal (2% des sociétés paient 80 % de l’impôt sur les sociétés), et que ce sont par ailleurs les salariés qui assurent 73% de l’impôt sur le revenu.
Réduction importante des budgets sociaux en particulier dans l’éducation et la santé
Gel des salaires dans la fonction publique
Réduction significative des investissements publics, d’un montant de plus de 15 milliards de DH. Soit environ 5% du budget général et 1,85% du PIB. Cette mesure sera sans doute suivie d’autres.
Libéralisation des prix
Réforme du régime de retraites

L’ensemble de ces mesures ne changent rien à la dynamique de la crise. La contrainte imposée par le FMI de ramener le déficit budgétaire à 4,8% en 2013 contre 7,1% de l’année dernière, qu’il soit atteint ou non, va impliquer d’une manière directe ou indirecte une dégradation plus importante des conditions de vie et de travail et une tension plus forte des rapports de classe. A terme l’objectif réel est la baisse de la masse salariale globale dans la fonction publique qui est la principale « variable d’ajustement « pour des économies budgétaires. Mais il n’est pas sûr que cela prenne la forme du scénario grecque avec des licenciements de masse dans la fonction publique, une réduction brutale des pensions de retraite et des salaires. Il s’agit d’un processus plus progressif même si il va y avoir une accélération. L’autre conséquence est une accentuation des problèmes structurels de l’emploi et du cout de la vie qui affectent d’abord les classes populaires. Mais là aussi le mouvement des hausses des prix reste progressif. Non pas parce que le pouvoir a des marges économiques mais parce qu’une offensive brutale et générale impliquerait un risque d’explosion sociale que le pouvoir veut éviter. La ligne générale de l’offensive est de concilier les exigences libérales, d’approfondir les attaques mais aussi de maintenir de la légitimité politique du pouvoir et une stabilité sociale relative. C’est cette donnée qui explique par exemple la difficulté de mettre en œuvre la réforme de la caisse de compensation qui est discutée depuis des années mais dans l’ensemble les contraintes pour « reformer » plus vite se sont accentuées. Ce qu’il faut retenir ce sont deux éléments essentiels :

Quel que soit le niveau de la crise nous sommes déjà dans un contexte où le pouvoir ne peut répondre aux questions sociales urgentes. L’offensive concrète nécessite néanmoins de concilier stabilité politique et dégradation des conditions de vie et de travail ce qui implique des attaques continues mais progressives. La possibilité d’élever le rythme de l’offensive dépendra en partie du développement de la crise au niveau mondial et locale mais aussi des « reactions de masse ». Mais dans tous les cas de figure, elle implique des niveaux de répression plus élevés. Non pas parce que le mouvement est à l’offensif mais parce que le climat social est potentiellement explosif et que la crainte d’un processus révolutionnaire « incontrôlable » ou de mouvements de masse spontanée n’est pas dépassé.

Chawqui Lotfi

Source : http://badiltawri.wordpress.com