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MAROC : MO BI LI SA TION !

D 5 août 2012     H 12:23     A Bertold de Ryon     C 0 messages


Les islamistes du PJD ( Parti de la justice et du
développement) d’Abdelilah Benkirane, principal parti de la
coalition actuellement au gouvernement à Rabat, ont beau
croire que Dieu est de leur côté, en réalité, il ne les aide pas
tellement, doivent-ils amèrement constater.

« Il est difficile de combattre la corruption », tel est le constat
que fit le Premier ministre Benkirane, début juillet. Il fut précédé
par un autre aveu, fin mai, celui du ministre de l’enseignement
supérieur, Lahcen Daoudi : « Nous nous sommes retrouvés en
plein milieu de la mondialisation sans y être préparés. »

Mais c’est surtout l’aveu d’impuissance du chef du gouvernement
en pleine séance du Parlement, le 14 mai, qui a contribué à
alimenter le mécontentement social. Devant les députés, en
bonne partie médusés, Benkirane conseilla alors aux chômeurs de
« prier Dieu pour qu’il leur donne un emploi ». Puis, face à
l’étonnement de certains quant à ce remède, il s’énerva : « Quoi,
vous ne faites pas confiance en Dieu ? A chaque fois qu’on lui
demande quelque chose, il nous aide. » Croyant(e)s ou moins
croyant(e)s, les Marocains furent nombreux et nombreuses à être
choqués. Surtout si l’on sait l’importance du chômage des jeunes
générations (officiellement 20 %, le double du taux global),
surtout celui des diplômés, vécu comme le symbole d’un gâchis
social. Ce n’est pas parce que, dans un pays voisin agité par la
crise qui secoue le Sud de l’Europe, de nombreux Espagnols
rêvent désormais de travailler au Maroc (et envoient des CV aux
chambres de commerce espagnoles installées dans le pays) que
les Marocain(e)s seront consolés…

Protestant contre la situation de l’emploi, les manifestations du
25 mai ont été qualifiées de mobilisation « monstres ». Rien qu’à
Casablanca, la métropole économique du pays, plus de 50 000
personnes battirent le pavé. Dans un pays où le paysage syndical
est caractérisé par l’éparpillement entre une multitude de
confédérations – souvent affiliées à une mouvance politique, la
CDT et la FDT (respectivement Confédération et Fédération
démocratique du travail) avaient soutenu les mobilisations.
D’autres organisations syndicales sont actuellement divisées,
puisque leurs directions ont été en partie intégrées par la
nouvelle coalition au pouvoir (composée du PJD islamiste, de
l’Istiqlal – parti bourgeois et nationaliste – et des ex-communistes
du PPS). La première centrale historique marocaine, l’UMT, est
profondément divisée. Depuis le mois de mars 2012, des mesures
autoritaires – des exclusions, et la fermeture des locaux de
l’Union locale de Rabat-Salé par les dirigeants – ont ravivé les
contradictions intérieures.

La contestation a commencé en février 2011, avec le
« Mouvement du 20 février » dénonçant la corruption et
l’autoritarisme. Cette mobilisation continue, avec une journée
d’action et de manifestations importante par mois. Mais elle
s’accompagne, depuis début 2012, d’une remontée des luttes
sociales très forte. La répression s’est également accrue depuis
les forts affrontements – en février à Taza – entre chômeurs et
forces de police. Le 1er juin voit, par ailleurs, s’ouvrir à Sidi Ifni le
procès de militants solidaires, en 2008, avec les habitant(e)s de
cette ville de pêche, alors en révolte contre le pouvoir.

Signalons aussi la multiplication d’actions telles que les grèves de
la faim de travailleurs. En avril et en mai, après 37 jours de grève
de la faim, six travailleurs employés par la multinationale agricole
française Soprofel, qui exploite des tomates au Sud-Ouest du
Maroc, ont appris, le 2 juin, qu’ils avaient gagné leur combat pour
le respect de leurs droits. Des militants syndicalistes avaient en
effet été licenciés sans ménagement.

Berthold Du Ryon