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Maroc : Non à l’infiltration des capitalistes sous prétexte du parc naturel

D 19 septembre 2024     H 06:00     A Al mounadil-a     C 0 messages


Il faut lutter au plan national pour affronter l’agression

L’État a émis un décret d’ouverture d’enquête publique concernant la création du Parc Naturel de l’Anti-Atlas Occidental sur une superficie de 111.130 hectares répartis sur les communes des provinces de Taroudant, Tiznit et Chtouka-Aït Baha qui s’y trouvent, dont la liste suit : Ammelne, Tanalt, Sidi Mzal, Tighmi, Arbaa Aït Ahmed, Anzi, Aouguenz, Tnine Aday, Sidi Ahmed Ou Moussa, Tizi Ntakoucht, Targa N’touchka, Sidi Abdellah El Bouchouari, Ida Ougnidif.

Les villageois·es de ces zones rejettent ce décret en tant que perpétuation de la législation coloniale sur la terre, attaque contre leur moyens de subsistance quotidienne et en tant qu’un moyen de répondre aux sollicitations immobilières des capitalistes locaux sur le foncier afin de déplacer et d’expulser les petits producteurs/rices et leurs familles. [Coordination AKAL d’Agadir pour défendre le droit de la population à la terre et à la richesse].

Pendant des décennies, l’État a mobilisé le foncier pour en faciliter l’accès aux capitalistes. Au cours des deux décennies précédentes, une campagne massive appelée « Délimitation de la propriété forestière » a été une guerre de classe unilatérale pour déposséder les petit·es propriétaires, peu couverte par la presse. Le Haut-Commissariat aux Eaux, aux Forêts et à la Lutte contre la Désertification a annoncé les résultats de cette délimitation, passée de 24 000 hectares par an entre 1995 et 2004 à 300 000 hectares par an au cours de la décennie 2005/ 2014… La superficie totale de la propriété forestière s’élevait à 9 millions d’hectares, dont 7,15 millions d’hectares ont été approuvés, soit 71 %.

Le 14 juillet 2021, l’État a transformé le Haut-Commissariat aux Eaux et Forêts et à la Lutte contre la Désertification en une agence dénommée Agence Nationale des Eaux et Forêts. La loi 52.20, qui en porte création, révèle qu’elle s’inscrit dans la même logique qui fait des établissements publics une porte d’entrée pour le secteur privé : son article 7 dispose que cette agence est habilitée à conclure des contrats pour déléguer la réalisation de certaines activités entrant dans ses domaines de compétence, ainsi que la concession totale ou partielle des aires protégées, en particulier les parcs nationaux, ainsi que les jardins zoologiques.

Outre cette agence, la loi n°22.07 sur les aires protégées prévoit la même chose. L’article 25 dispose que la gestion de l’aire protégée peut être concédée, totalement ou partiellement, à toute personne morale de droit public ou privé, et son article 26 prévoit que la gestion de l’aire protégée est déléguée après appel à la concurrence.

Les habitants ont le droit de rejeter le projet de création d’un parc naturel parce que le secteur privé capitaliste en récoltera les fruits. Il ne s’agit pas d’un refus de préserver le patrimoine naturel, biologique et culturel. Les habitants ont préservé cet héritage pendant des siècles et ont vécu en harmonie avec leur environnement naturel, jusqu’à ce que le colonialisme introduise ses lois pour exproprier les terres des tribus, les mêmes lois adoptées par l’État d’indépendance formelle pour poursuivre l’expropriation de ces terres.

Contrairement à la prétention de l’État d’impliquer la population locale, la voie légale pour la création de réserves naturelles (y compris les parcs naturels) est autoritaire. L’élaboration du projet de création de ces zones, conformément à l’article 9 de la loi, est effectuée par l’autorité compétente, et « ce projet est soumis à l’avis des administrations et des autorités locales concernées, et à défaut de faire connaître leurs avis dans ce délai1 , lesdites administrations et collectivités locales sont censées ne pas avoir d’objections à ce sujet ». Quant à la population locale, elle est informée pendant la phase d’enquête publique de trois mois, et la loi mentionne qu’elle peut « prendre connaissance du projet de création de l’aire protégée et de formuler d’éventuels avis et observations qui sont consignés sur un registre ouvert par l’administration à cet effet ».

Cette loi confirme l’appréhension des habitants qui craignent que la création de réserves naturelles ne soit une attaque contre leurs moyens de subsistance quotidiens. Tout au long de la phase d’enquête, il est interdit aux résidents de « mener toutes actions susceptibles de nuire au milieu naturel des zones dans l’aire protégée prévue », et après la création de la réserve, les « droits d’usufruit » sont limités par des amendes pour des actes tels que : « circuler dans des zones dont l’accès est interdit au public », « cueillir ou ramasser », et « laisser des divaguer des animaux en dehors des lieux autorisés ». La question va au-delà des aires protégées, comme le prévoit l’article 3 de cette loi : « une zone périphérique peut également être prévue pour constituer une ceinture de protection contre les nuisances externes ».

La population a le droit de rejeter les justifications de l’État pour la préservation de l’environnement, comme tout ce qui est inclus dans la loi portant création de réserves naturelles (comme « la chasse aux bêtes sauvages », « l’introduction d’espèces animales ou végétales exotigènes ou locales »...) Ce sont des actes déjà commis par l’État qui a accordé des permis de chasse aux riches du Golfe, et introduit des espèces animales (sanglier) et végétales (arganiers, cactus, après la catastrophe de la cochenille). L’État a ouvert l’Anti-Atlas à l’activité intensive des sociétés minières, tant nationales qu’étrangères.

Les villageois de l’Anti-Atlas occidental vont manifester tout au long du mois d’août (le 17 devant le siège du Conseil régional de Chtouka Aït Baha à Biougra, le 24 à Tiznit devant le siège du Conseil de la province et le 31 devant le siège de la région à Agadir), pour leur droit à la terre et à ses ressources.
Il ne s’agit pas seulement de l’Anti-Atlas occidental. La création de parcs naturels couvre l’ensemble du territoire du pays : Beni Snassen (provinces de Berkane et d’Oujda Angad), Bouhachem (provinces de Tétouan, Larache et Chefchaouen), Tamga (région d’Azilal), Djebel Grouz (province de Figuig), Chekhar (province de Jerada), Plateau central (province de Khemisset), Draa-Ouarkziz Labtana (province d’Assa Zak), réserve naturelle de l’archipel d’Essaouira, réserve biologique de Sidi Bou Ghaba (province de Kénitra).

Nous devons organiser la protestation au-delà du local et lui conférer un caractère national, tout en créant les structures démocratiques de cette lutte, à travers les comités de village et de hameaux, et pas seulement à travers des coordinations voulues par des cadres. Les comités de villages et de hameaux, à participation féminine, décideront des étapes et la mise en œuvre de la lutte.

Ce qui est en jeu, c’est le droit des travailleurs des travailleuses (petit·e.s producteurs/rices dans les villages) à la terre, qui est leur seul moyen de subsistance, dans des conditions de sécheresse aggravée. La transformation de cette terre en un moyen d’enrichir une poignée de capitalistes entraîne la nécessité d’intégrer la lutte des villageois·es dans celle de la classe ouvrière et de ses salarié·es pour un système économique et social qui serve les intérêts de la majorité de la population, et non une poignée de capitalistes.

 Afin d’abroger toutes les lois néocoloniales réglementant l’expropriation des petits propriétaires.
 Pour le droit de la population à la terre et une politique publique favorable au petit·es agriculteurs/rices
 Pour des services publics gratuits et des infrastructures qui rompent l’isolement du monde rural.

Article source : لا لتغلغل الرأسماليين تحت غطاء المنتزه الطبيعي : من أجل نضال على صعيد وطني لصد العدوان - المناضل-ة (almounadila.info) Traduction de l’arabe, Luiza Toscane.

1 Le délai est de six mois (NDLT)