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Afrique : Accélérer l’accès à l’enseignement gratuit pour tous les enfants

Les gouvernements devraient mettre l’accent sur une éducation gratuite de qualité, et adopter des mesures positives pour les filles

D 17 août 2024     H 05:30     A Human Rights Watch     C 0 messages


Les gouvernements africains devraient accélérer leurs plans visant à garantir avant 2030 une éducation gratuite et de qualité aux enfants, de l’école maternelle à la fin du cycle d’études secondaire, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, à l’occasion de la Journée de l’enfant africain, célébrée sous l’égide de l’Union africaine (UA).

L’Afrique est le continent qui compte le plus grand nombre d’enfants non scolarisés. En 2021, 98 millions d’enfants et d’adolescents en âge de fréquenter l’école primaire ou secondaire étaient non scolarisés en Afrique sub-saharienne. La majorité des enfants en âge d’aller à l’école maternelle n’a pas accès à un enseignement adapté à la petite enfance. Et bien que des progrès importants aient été faits à travers le continent pour combler le fossé entre les sexes, il y a davantage de filles que de garçons qui sont en dehors du système scolaire et beaucoup d’entre elles abandonnent l’école avant d’avoir achevé leur éducation primaire ou secondaire.

« Des millions d’enfants africains attendent toujours de recevoir une éducation, tandis que des millions d’autres vont à l’école mais n’y reçoivent pas l’éducation de qualité que leurs gouvernements ont pourtant promis de fournir », a déclaré Mausi Segun, directrice de la division Afrique de Human Rights Watch. « Des dizaines d’États africains ont adopté des normes éducationnelles qui sont en contradiction avec leurs obligations en matière de droits humains, compromettant la qualité de l’éducation accessible aux enfants africains. »

Le thème de la Journée de l’enfant africain 2024 est : « L’éducation pour tous les enfants en Afrique : L’heure est venue » (« Education for All Children in Africa : The Time is Now »). Alors que les dates butoir fixées pour honorer les engagements pris en matière d’éducation aux niveaux mondial et africain approchent rapidement, les gouvernements africains devraient concentrer leurs efforts sur la garantie d’un accès pour tous à une éducation gratuite et de qualité et retirer les obstacles juridiques, politiques et pratiques qui continuent de dénier une éducation à des millions d’enfants, en particulier aux filles, a déclaré Human Rights Watch.

Tous les gouvernements africains ont pris l’engagement de garantir 12 années d’enseignement primaire et secondaire à tous leurs enfants et de leur fournir au moins une année d’enseignement préprimaire gratuit. Les dates butoir fixées par les États pour atteindre ces buts approchent rapidement, notamment celle de la Stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique adoptée par l’UA, qui donne aux États membres jusqu’à 2025 pour aboutir, et les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, qui sont censés être atteints d’ici à 2030. L’UA a désigné 2024 comme Année de l’éducation (« Year of Education ») afin de renouveler l’engagement collectif et l’action commune des pays africains vers ces objectifs et la réalisation de son programme de développement à long terme.

Certains États africains ont pris d’importantes mesures pour garantir ces droits. En 2022, la Zambie a mis en œuvre une politique d’éducation gratuite, de la petite enfance à l’échelon secondaire, dans toutes ses écoles publiques, tandis que Madagascar adoptait une loi établissant une année d’enseignement préprimaire gratuit et obligatoire. En 2023, la Sierra Leone a adopté une nouvelle loi sur l’éducation, garantissant aux enfants un cycle complet de 13 années d’enseignement gratuit, incluant une année d’école maternelle ainsi qu’un cycle d’enseignement secondaire.

Les obstacles financiers et l’absence d’enseignement gratuit ont un impact négatif disproportionné sur les enfants issus des foyers les plus pauvres, qui sont les plus exposés au risque de devoir arrêter leurs études. Tous les gouvernements devraient adopter des mesures plus fortes pour instaurer l’enseignement gratuit et mettre fin aux pratiques consistant à faire payer aux familles des élèves des frais de scolarité et d’inscription supplémentaires et à les facturer pour le matériel et pour les uniformes scolaires, souvent à des coûts inabordables, et s’occuper également des autres coûts indirects comme les transports scolaires.

L’engagement des gouvernements africains à garantir au moins une année d’éducation préprimaire n’a pas été mis en œuvre de manière égale, selon les recherches effectuées par Human Rights Watch. Par exemple en Ouganda, pays qui a adopté l’idée d’un enseignement primaire gratuit dès 1997 et d’un cycle d’études secondaires gratuit en 2007, un enseignement préprimaire gratuit n’est pas disponible. Human Rights Watch et l’organisation Initiative for Social and Economic Rights Uganda ont constaté que les frais de scolarité très élevés pour des enfants âgés de 3 à 5 ans fréquentant des écoles maternelles privées exacerbaient les inégalités en matière d’éducation et créaient un obstacle insurmontable pour la plupart des familles, en particulier celles qui vivent en milieu rural et celles qui ont de bas revenus.

Les gouvernements africains devraient se doter de dispositions légales et politiques afin de garantir le droit à une éducation de la petite enfance et s’assurer que des cycles complets d’enseignement secondaire soient gratuits et accessibles pour tous les enfants à travers l’Afrique, a déclaré Human Rights Watch. Ils devraient s’assurer tout particulièrement qu’un accès universel aux cycles d’enseignement primaire et secondaire soit étayé par la totale gratuité de ces enseignements.

Les gouvernements africains ne parviendront pas à remplir leurs obligations tant qu’ils n’auront pas éliminé les plus gros obstacles et mis fin aux violations de leurs droits humains subis par les filles. Des milliers de filles abandonnent définitivement l’école ou en sont exclues par des enseignants et des responsables d’établissement parce qu’elles sont enceintes ou sont déjà mères, et beaucoup sont dans l’impossibilité de poursuivre leur scolarité à cause d’un mariage précoce. Dix-huit des 20 pays ayant les taux de mariages d’enfants les plus élevés au monde se trouvent en Afrique sub-saharienne. La plupart ont des taux très élevés de grossesse parmi les adolescentes, ainsi que de forts pourcentages de filles non scolarisées au niveau de l’enseignement secondaire.

L’échec des gouvernements à éradiquer les violences sexuelles en milieu scolaire et à mettre fin à l’impunité pour les infractions sexuelles constituent un gros obstacle à l’éducation pour de nombreuses filles. Dans de nombreux pays, des élèves, très majoritairement des filles, sont exposés à des niveaux élevés de violence sexuelle et sexiste, notamment à de l’exploitation sexuelle, du harcèlement et des abus de la part d’enseignants, d’autres responsables d’établissement et d’élèves.

Au Kenya, en Tanzanie, en Sierra Leone et au Sénégal, des enseignants et des responsables scolaires, ainsi que de nombreux chauffeurs de bus et pilotes de moto, exploitent sexuellement et contraignent des filles à des actes sexuels en échange d’argent pour les frais de scolarité, de serviettes hygiéniques ou d’autres produits de base. Au Sénégal, dans certains contextes, le taux très bas de maintien des filles à l’école est étroitement lié à la crainte qu’elles subissent des actes de harcèlement sexuel et de violence sexiste à l’école ou qu’elles y soient exposées à un risque élevé de grossesse.

À travers le continent, des progrès ont été accomplis dans la promotion du droit à l’éducation des filles qui sont enceintes ou des mères adolescentes. Trente-huit pays ont adopté des politiques relatives à l’éducation de ces élèves. Et pourtant, même avec ce genre de politique, certains pays conservent des attitudes qui ont pour effet de restreindre le droit des filles à l’éducation, notamment le déni ou la limitation d’une éducation sexuelle complète et l’inaction face à des violences sexuelles généralisées en milieu scolaire.

Plus de 10 pays disposent de politiques punitives à l’égard d’élèves enceintes, ou sont dépourvus de dispositions légales identifiant le problème des grossesses d’adolescentes en milieu scolaire. Au moins cinq pays traitent les rapports sexuels hors mariage comme un crime.

Les gouvernements africains devraient d’urgence réviser leurs politiques et adopter des mesures respectueuses des droits humains vis-à-vis des élèves qui sont enceintes ou mères, reflétant pleinement les engagements qu’ils ont pris de promouvoir le droit des filles à l’éducation. Les gouvernements devraient également répondre de manière complète aux besoins plus généraux des mères adolescentes, notamment par l’adoption de mesures de protection sociale qui leur fournisse un soutien financier adéquat et garantisse pour leurs enfants un accès à des garderies et à une éducation dès la maternelle.

Les gouvernements devraient consacrer davantage de ressources à la prévention des grossesses précoces en promouvant et en garantissant les droits des adolescents en matière sexuelle et reproductive, y compris l’accès à une éducation et à des informations sur la sexualité qui soient complètes et dépourvues de tout jugement.

« La vision commune de l’Union africaine et des États pour assurer l’avenir de l’Afrique par l’éducation est claire », a conclu Mausi Segun. « Les gouvernements africains devraient d’urgence donner suite à leurs engagements de garantir une éducation de qualité et entièrement gratuite, conformément à leurs obligations en matière de droits humains, d’ici à 2030. »