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En Afrique comme ailleurs, pas de démocratie sans alternance !

D 25 octobre 2014     H 05:18     A     C 0 messages


« L’Afrique continent de l’avenir ». Le slogan est devenu la tarte à la crème des chancelleries, des médias et des milieux économiques internationaux. Mais de l’avenir de qui parle-t-on ? Celui des investisseurs étrangers et de quelques familles dirigeantes ? L’économie internationale a besoin des richesses de l’Afrique, mais elle peut prospérer sans les Africains (plus de 2 milliards de personnes en 2050). Elle le fait d’autant plus facilement que leur parole est confisquée. L’avenir du continent n’appartiendra aux Africains qu’à condition d’une véritable démocratie. Or, pas plus qu’ailleurs, il n’est de démocratie en Afrique sans alternance.

Le pouvoir de père en fils

Les constitutions sont théoriquement les garantes de cette alternance. Fixer une limite au nombre de mandats présidentiels constitue en effet une saine mesure, adoptée par la majorité des pays africains. La disposition est parfois même inamovible. Ces précautions n’ont toutefois pas empêché nombre de chefs d’État de se maintenir au pouvoir, des décennies durant, par une violation répétée des principes démocratiques et dans l’indifférence générale des médias et de l’opinion publique internationale. Dans certains pays africains, de véritables dynasties se sont emparées du pouvoir transmis de père en fils. Douze familles aujourd’hui au pouvoir en Afrique l’étaient déjà en 1990. 87% des Gabonais et 79% des Togolais n’ont connu qu’une seule famille à la tête de l’État !

Ces régimes ne jouissent pas moins d’un soutien plus ou moins tacite des dirigeants des autres États. Ils ont réussi à asseoir une légitimité internationale, après la Guerre froide, par une subtile manipulation de la menace terroriste. Au Nord, tout se passe comme si la démocratie était un luxe que les pays d’Afrique ne pouvaient se payer. Il résulte de ces situations des conséquences mortifères pour les sociétés africaines. En témoignent les troubles politiques et militaires qui secouent certains pays. Les citoyens qui se mobilisent pour l’alternance et le respect des règles constitutionnelles et démocratiques paient un lourd tribut à la répression.

Le souffle démocratique n’est cependant pas près de s’estomper. Les tentatives de succession dynastique ont été mises en échec au Sénégal par les urnes, en Tunisie et en Égypte par les révolutions arabes. Et le cri « Y en a marre ! » venu de Dakar en 2012 résonne bien au-delà du Sénégal. Les rues de Maputo, Bujumbura, Libreville, Kampala, Ouagadougou ou Alger expriment une même aspiration à l’alternance. Un même refus du pouvoir dynastique.

La menace de coups d’État constitutionnels

Dans les années 1990, le vent de constitutionnalisme avait conduit de nombreux pays africains à limiter les mandats et à s’ouvrir au multipartisme. La mobilisation citoyenne interne fut décisive pour contraindre au changement les régimes autoritaires de l’époque, avec le soutien de forces démocratiques extérieures. Aujourd’hui est venu le temps d’une nouvelle alliance entre citoyens d’Afrique, d’Europe et d’ailleurs, pour une nouvelle étape : faire vivre l’alternance.

Le refus de toute manipulation constitutionnelle pour convenance personnelle en est la première pierre. Si, en soi, la révision d’une constitution n’est pas une pratique antidémocratique, sa transformation en instrument de perpétuation d’un pouvoir personnel est aux antipodes des attentes citoyennes et des valeurs affichées par la communauté internationale en termes de promotion de l’État de droit. L’invocation de la stabilité politique et l’artifice de la lutte contre la menace terroriste ne doivent pas faire illusion. Partout dans le monde, l’expérience a montré que le respect des règles démocratiques constitue le meilleur antidote contre l’instabilité politique, les conflits armés et le terrorisme. C’est la solidité des institutions qui garantit la stabilité et non la pérennité du pouvoir personnel.

Or la menace d’un coup d’État constitutionnel se profile en 2015 au Burkina Faso avec Blaise Compaoré, en 2016 au Congo avec Denis Sassou Nguesso et en RDC avec Joseph Kabila, ou encore en 2017 au Rwanda avec Paul Kagamé. Au Togo la succession dynastique a déjà eu lieu en 2005 au prix d’un tripatouillage constitutionnel faisant 800 morts. L’héritier, au mépris du dialogue politique autour des réformes institutionnelles et des recommandations de la Commission Vérité Justice et Réconciliation, s’apprête à se porter candidat pour un troisième mandat.

Les dirigeants ont rendez-vous avec l’Histoire

Dans ces pays, les présidents et leur entourage posent des actes qui ne trompent personne sur leur volonté de se maintenir au pouvoir par une manipulation constitutionnelle. Par le passé, de nombreux chefs d’États africains se sont parjurés sur cette question : Gnassingbé Eyadema au Togo en 2002, Idriss Deby Itno au Tchad en 2005, Paul Biya au Cameroun en 2008, Ismaïl Omar Guelleh à Djibouti en 2010, ou Yoweri Museveni en Ouganda en 2010, Abdoulaye Wade au Sénégal en 2012. D’autres ont par contre fait le choix de l’alternance, à l’instar de Jerry Rawlings au Ghana, Mathieu Kérékou au Bénin, Pinto da Costa à Sâo Tomé e Principe, ou encore des présidents Aristides Pereira, Antonio Mascarenhas et Pedro Pires qui se sont succédé aux îles du Cap-Vert. Les dirigeants attirés par la tentation dynastique ont rendez-vous avec l’Histoire : en acceptant l’alternance, ils rendraient le pouvoir à son ultime dépositaire, le peuple, posant un dernier acte marqué du sceau de l’apaisement.

De son côté, l’absence de réaction de l’opinion internationale serait, pour les régimes africains concernés, un véritable blanc-seing pour imposer, y compris par la violence, une intolérable modification constitutionnelle pour se maintenir au pouvoir. Laisser l’un d’eux perpétrer ce parjure, c’est ouvrir la brèche qui les autorisera tous à s’y engouffrer. Mais l’effet domino peut jouer en sens inverse : après l’alternance sénégalaise en 2012, après le renoncement du président sortant au Mozambique début mars 2014, il est temps d’agir pour obtenir les conditions d’une alternance ailleurs aussi, à commencer par le Burkina, le Burundi et le Togo. Et dans bien d’autres pays, où la mobilisation se cristallise sur des enjeux autres que constitutionnels (l’usage de la biométrie, la liberté de manifestation, l’indépendance des commissions électorales…). L’Europe fut surprise par les révolutions arabes. Elle trahirait ses intérêts et ses valeurs à cautionner par son silence la perpétuation de régimes archaïques au sud du Sahara.

Donner un contenu à l’alternance

Pour que le mot alternance ait un sens, il s’agit aussi de lui donner un contenu. C’est bien sûr à chaque peuple qu’il revient de le définir suivant son histoire, sa culture et son imagination créatrice. Mais quelques mesures pourraient ancrer une véritable alternance porteuse de démocratie : transparence sur le budget de l’État, les contrats avec les multinationales et les recettes issues de l’exploitation des ressources naturelles ; respect des normes républicaines dans les nominations aux postes de commandement militaire et policier ; liberté d’opinion, de presse et de manifestation sans préalable autre que l’information de l’autorité administrative ; nomination des magistrats indépendamment du pouvoir politique…

Nous citoyens d’Afrique, d’Europe et d’ailleurs, intellectuels, artistes, militants, journalistes, responsables religieux, associations, syndicats, appelons à un large rassemblement pour tourner la page des régimes autoritaires et construire les conditions d’une véritable démocratie en Afrique. Partageant les mêmes valeurs démocratiques et non-violentes, nous sommes déterminés à faire vivre les conditions d’une mobilisation citoyenne pour l’alternance démocratique, dans tous les pays d’Afrique subsaharienne. Il en va du devenir du continent africain.

Personnalités / intellectuels

 Olivier De Schutter, Juriste, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, Belgique
 Jean Baptiste Baderha, Journaliste, RDC
 Bertrand Badie, Politologue, France
 Richard Banégas, Politologue, France
 Jean-François Bayart, Politologue, France
 William Bourdon, Avocat, France
 Sylvie Bukhari-de Pontual, Avocate et présidente de la Fédération internationale de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Fiacat), France
 Monique Chemillier-Gendreau, Juriste et présidente d’honneur de l’Association européenne des juristes pour la démocratie et les droits de l’Homme dans le monde (AEJDH), France
 Noam Chomsky, Linguiste et philosophe, Etats-Unis
 John Christensen, Economiste, Royaume-Uni
 Alex Cobham, Economiste, Royaume-Uni
 Christophe Dabire, Philosophe, Burkina Faso
 Miguel De Barros, Sociologue, Guinée-Bissau
 Alain Deneault, essayiste, Canada
 Thomas Deltombe, éditeur, France
 Djibril Diaw, Réalisateur et journaliste, Mauritanie
 Mamadou Diouf-Mignane, Coordinateur du Forum social sénégalais, Sénégal
 Jean-Pierre Dubois, Constitutionnaliste et président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme, France
 Vincent Foucher, Politologue, France
 François Gèze, Editeur, France
 Michel Griffon, économiste et agronome, France
 Dieudonné Hamadi, Réalisateur, RDC
 Eva Joly, eurodéputée, ex-présidente de la Commission Développement au Parlement européen, France
 Robert Kabakela, Journaliste, RDC
 Bob Kabamba, politologue, RDC / Belgique
 Kasereka Kavwahirehi, philosophe, Canada / RDC
 Toussaint Kafarhire Murhula sj, poète, RDC
 Gustave Massiah, Ingénieur et économiste, France
 Achille Mbembe, Historien, Cameroun
 Ernest-Marie Mbonda, Philosophe, Cameroun
 Jean Merckaert, Rédacteur en chef de la Revue Projet, France
 Staaf Meyaa, Artiste, Gabon
 Olivier Mongin, Philosophe, ancien directeur de la Revue Esprit, France
 Edgar Morin, Philosophe et sociologue, France
 Valentin-Yves Mudimbe, philosophe, écrivain, poète, RDC
 Gilbert Mussumba, Président du Comité africain du scoutisme, Burundi
 Maria Nowak, Présidente de l’ADIE, France
 Jean-Pierre Olivier de Sardan, Anthropologue, Niger/France
 Cécile Renouard, Philosophe, religieuse de l’Assomption, France
 Pierre Rosanvallon, Historien et sociologue, France
 Abderrahmane Sissako, Cinéaste, Mauritanie
 Smockey Artiste, Burkina Faso
 Youba Sokona, Ancien directeur du Centre africain de politique climatique, Mali
 Cheikh Tijaan Sow, Ecrivain, auteur compositeur, Sénégal/France
 Moussa Sow, Anthropologue, Mali
 Louis-George Tin, président du CRAN, France
 Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France, France
 Chico Whitaker, cofondateur du Forum social mondial, membre de Justice et Paix Brésil, Brésil
 Catherine Wihtol de Wenden, Politologue et sociologue, France
 Patrice Yengo, Politologue et anthropologue, Congo Brazzaville
 Arnaud Zacharie, économiste, Belgique

Premiers signataires – associations & syndicats

Organisations de la société civile d’Afrique et d’Europe

Afrique

Réseaux africains

 Emmaüs Africa
 Central African Network for Transparency, Accountability and Participation (CANTAP)
 Alliance pour Refonder la gouvernance en Afrique
 PAALAE, association panafricaine pour l’Alphabétisation et l’Education des Adultes

Burkina Faso

 Balai citoyen
 Festival Ciné Droit Libre

Burundi

 Forum pour la Conscience et le Développement (FOCODE)
 Forum pour le Renforcement de la Société Civile au Burundi (FORSC)
 Dynamique socio-économique au Burundi (DYNASCO)
 Ligue Nationale pour les Elections Libres et Transparentes (LINELIT)

Cameroun

 Actions Solidaires de Soutien aux Organisations et d’Appui aux -Libertés (ASSOAL)
 AfroLeadership
 Agages Management Consultants
 Alliance pour le Budget Participatif et la finance locale (ACBPFL)
 Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes
 Association des Jeunes Acteurs pour le Développement Social et Economique (Ajades)
 CAFAGB
 Centrale Syndicale du Secteur Public (CSP)
 Centre d’Actions pour la Vie et la Terre (CAVT)
 Centre de Ressources pour le Développement Local (CRDL)
 Centre Régional Africain pour le Développement Endogène et Communautaire (CRADEC)
 Dynamique citoyenne
 Gredevel
 Human Rights Initiatives (HRI)
 Plateforme des organisations de la société civile pour les droits économiques sociaux et cultures (PFDESC)
 Plateforme des promoteurs de mutuelles et coopératives d’habitat (Mucoophacam)
 Réseau National des Habitants du Cameroun (RNHC)
 Women’s Advocacy and Communication Network (WANET)

Congo Brazzaville

 Publiez-ce-que-vous-payez
 Justice et Paix Congo
Rencontre pour la paix et les droits de l’homme (RPDH)

Côte d’Ivoire

Association ivoirienne pour la sauvegarde de l’enfance en danger

Gabon

 Brainforest
 Ça suffit comme ça
 Les Indignés du Gabon

Guinée

 ACORD Guinée
 Association des Victimes, Parents et Amis du 28 Septembre 2009 (AVIPA)
 Association Guinéenne pour la Transparence (AGT)
 Association pour Développement Local (ADL)
 Centre d’Ecoute des Femmes et des Enfants

Mali

 Réaliser avec la Jeunesse, les Perspectives de la Renaissance Africaine
 Coalition Malienne Publiez ce que vous Payez
 Front Nouveau Citoyen (FNC)

Mauritanie

CGT Mauritanie (Confédération Générale des Travailleurs de Mauritanie)

Mozambique

Instituto Xavier

Niger

Réseau National Dette et Développement (RNDD-Niger)

Nigeria

 The Africa Network for Environment and Economic Justice (ANEEJ)
République de Centrafrique (RCA)
 Association Oubangui Chari pour le Vivre Ensemble (AOCVE)
 Plan d’Action du Réseau Agape pour la Paix la Liberté l’Unité l’Identité et l’Ethique (PARAPLUIE)
 République démocratique du Congo (RDC)
 Actions des chrétiens pour la promotion de la Paix et du -Développement (ACPD)
 Actions sans frontières (AFRO)
 Association Africaine de défense des Droits de l’Homme(ASADHO)
 Association pour des élections transparentes et apaisées (AETA)
 Association pour les Nations Unies de la République Démocratique du -Congo (ANU-RDC)
 Collectif des Parties Civiles du Kivu
 Fondation point des vue des jeunes africains pour le développement (FPJAD)
 Héritiers de la Justice
 Justice Pour Tous
 Kataliko Actions for Africa-KAF
 Nouvelle Dynamique de la Société Civile en République Démocratique du Congo (NDSCI)
 Ouvriers du Monde (ODM)
 Synergie des Femmes pour les Victimes des violences Sexuelles (SFVS)
 Union des femmes pour la dignité humaine (UFDH)

Sénégal

 Y en a marre Sénégal
 Forum social sénégalais
 M23 (Mouvement du 23 juin)
 Sukhali

Tchad

 Association Sociale des Jeunes pour la défense des Droits Humains (ASJDH)
 Association pour la Promotion des libertés fondamentales au TCHAD (APLFT)
 Comité de Suivi de l’Appel à la Paix et à la Réconciliation (CSAPR)

Togo

 Action Sud
 Justice et Paix Togo
 Europe et International

Réseaux internationaux

 Emmaüs International
 Tax Justice Network

Autriche

Justice et Paix Autriche

Belgique

 Centre tricontinental (CETRI)
 Club Walco
 CNCD-11.11.11
 Fonds André Ryckmans
 Justice et Paix Belgique francophone
 Le Monde selon les Femmes
 Entraide et Fraternité
 Solidarité Mondiale

France

 Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme (AEDH)
 Amicale Panafricaine
 Club des Africains de Bretagne
 CCFD-Terre Solidaire
 CRID (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement)
 CGT (Confédération Générale des Travailleurs)
 Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN)
 Fédération des Congolais de la Diaspora (FCD)
 Festival International du Film des Droits de l’Homme (FIFDH)
 Fondation France Libertés
 Justice et Paix France
 Mouvement de la paix
 Réseau Foi et Justice Afrique Europe Antenne France
 Secours catholique – Caritas France
 Survie
 Terre des Hommes France
 Y en a marre Paris

Italie

*Dynamique de la diaspora congolaise (de RDC)
*Réseau Paix pour le Congo / Rete Pace per il Congo

Luxembourg

Justice et Paix Luxembourg

Nicaragua

Red Nicaraguense de Comercio Comunitario (RENICC)

Royaume-Uni

Methodist Tax Justice Network UK