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Exhibit B : le zoo humain ne doit pas être soutenu par de l’argent public !

D 6 octobre 2014     H 05:14     A John Mullen     C 0 messages


Annulée à Londres, suite à une campagne antiraciste, l’exposition programmée pour décembre à Paris au centre culturel 104 doit être retirée.

L’exposition “Exhibit B”, conçue par un Sud-Africain blanc, Brett Bailey, met en scène des Noirs enchaînés et dans différentes positions dégradantes. Une femme africaine, seins nus, en costume “tribale” est suivie par une femme noire assise, enchainée au cou... Les figurants noirs sont embauchés dans chaque ville où l’exposition est présentée, et les spectateurs payent pour visiter un à un les Noirs, qui restent silencieux et immobiles. L’exposition fait référence aux zoos humains d’avant la deuxième guerre mondiale, où des Noirs et d’autres peuples “exotiques” étaient exhibés pour le divertissement des Blancs dans une époque encore bien plus raciste que la nôtre.

Cette exposition était programmée à Londres pour mi-septembre dans un centre culturel, The Barbican, financé par l’Etat. Une campagne antiraciste “Boycott the Human Zoo” a lancé une pétition qui a réuni 23 000 signatures. La campagne a été soutenue par UNITE, un des plus grands des syndicats britannique (1,4 millions d’adhérents), par PCS (syndicat des services publics, 250 000 adhérents) et par une série d’organisations antiracistes.

Suite à plusieurs réunions publiques, rencontres avec les organisateurs de l’exposition et ensuite des rassemblements devant la galerie, l’exposition a été annulée. La campagne a dû se montrer très pédagogue. Un débat public au théâtre de Stratford à Londres a opposé des militants antiracistes à certains des figurants noirs qui travaillaient pour l’exposition et à la directrice artistique du Barbican. Les antiracistes affirmaient que la reproduction d’une présentation dégradante de Noirs en public ne pouvait pas aider à combattre le racisme et qu’au contraire, se divertir en utilisant les corps des Noirs de cette façon renforçait la discrimination.

Ce serait bien que nous ayons également en France une pétition pour la retirer du programme d’un centre culturel public, le 104, où elle est programmée pour début décembre (17 euros le billet, mais gratuit pour les moins de 15 ans, car l’exposition sera ouverte à toute la famille !).

Suggestions ou contacts pour une campagne ? email boycottexhibitBparis@gmail.com

Contexte :

A Londres, les médias prétendaient que les militants antiracistes manquaient de culture et d’instruction, et Brett Bailey lui-même déclarait que les protestations venait des “aboiements d’une foule déchaînée” (en réalité pendant les rassemblements, malgré une forte présence policière, il n’y a pas eu une seule arrestation).

Quelques Citations

« La plupart des gens reconnaissent que ce serait inapproprié d’écrire une série comique pour la télévision sur le Shoah. Pourquoi ne comprend-on pas que c’est effroyable de présenter une exposition qui déshumanise des Africains pour de l’argent et le divertissement ? » Toyin Agbetu, militant noir,

« Comment pouvons-nous savoir que nous ne sommes pas en train de divertir les gens de la même façon qu’ont fait les zoos humains » Un des figurants Noirs qui a participé à l’exposition lors de sa présentation à Edimbourg.

« Un groupe d’hommes qui visitaient l’exposition se sont mis à rire et à faire des commentaire sur mon corps et mes seins. Ils ne s’étaient pas rendus compte que j’étais un être humain, ils croyaient que j’étais une statue. » Berthe Njole, une des figurantes noires en Pologne.

« Même si nous acceptions les intentions nobles déclarées, selon lesquelles l’objectif est de “provoquer les publics, les faire réfléchir sur les racines historiques des préjugés et politiques actuels,” nous ne pourrions pas ignorer le fait que des corps noirs sont utilisés pour faire passer un message à des publics blancs. L’objectification est une stratégie qui vise à évoquer la culpabilité chez ceux qui ont un passé colonial. Même si les intentions sont pures (si …) le moyen de communication est sale. L’exposition montre les Noirs comme des agents passifs, utilisés pour permettre aux blancs de parler entre eux. Bailey lui-même a déclaré qu’il avait “beaucoup de mal” à produire l’effet voulu. “Je demande aux figurants de ne pas regarder [les spectateurs] avec colère, mais avec de la compassion”. Nous ne sommes pas en présence d’acteurs Noirs qui parlent pour eux-mêmes : ils ne sont qu’un outil pour le message du réalisateur sur les relations inter-ethniques »
Dr Kehinde Andrews, maître de conférences en sociologie à l’Université de Birimingham City et un des fondateurs de l’Organisation pour l’Unité Noire”.

« On nous dit sans arrêt que les images et les jeux vidéos violents encouragent la violence, mais on veut nous faire croire que voir des images racistes de personnes noires qui souffrent va nous rendre moins racistes ! » Mayo Olubo

« C’est du fascisme. Juste parce que la plupart d’entre eux sont Noirs avec des dreads ne veut pas dire que ce n’est pas une action fasciste. » Brett Bailey, réagissant aux manifestations antiracistes.

Quelques questions et réactions fréquentes :

Q Il est dangereux d’interdire une oeuvre d’art, car il faut respecter la liberté d’expression.
R : Il ne s’agit pas d’une demande d’interdiction de la production d’un ouvrage. Si un jeune Blanc veut enchaîner des volontaires Noirs dans son jardin, appeler cela de l’art et demander aux voisins de payer pour venir voir, c’est une autre question. Il s’agit dans le cas d’Exhibit B de demander que l’argent public ne soit pas utilisé pour mettre en scène la dégradation d’êtres humains.

Q : Un artiste doit avoir une totale liberté de création ?
R : L’argent public subventionne un petit pourcentage d’artistes. Il serait inconcevable de mettre en scène des tableaux vivants de femmes jouant le rôle de femmes violées mais immobiles et silencieuses, sous prétexte de « faire réfléchir à la violence contre les femmes ». De présentations dégradantes de Juifs ou de homosexuels mettant en scène des crimes du passé seront également refusées. Pourquoi serait-ce différent pour des Noirs ?

Q : Brett Bailey, ayant vécu en Afrique du Sud pendant l’ère de l’apartheid, déclare que ses intentions sont antiracistes, et visent à faire réfléchir sur le passé colonial.
R : Les intentions de l’artiste sont tout à fait secondaires quand on veut comprendre l’effet d’une exposition de ce type. Dans un contexte où il est extrêmement difficile pour des artistes Noirs de se produire dans des institutions prestigieuses, à cause d’un racisme institutionnalisé, on peut penser qu’il y a des artistes mieux placés pour expliquer le racisme au grand public ! Par ailleurs une exposition ouverte à des enfants de tout âge sera forcément compris de beaucoup de manières différentes. Si des milliers de personnes vont à l’exposition, des millions d’autres entendront simplement parler de la création artistique qui enchaîne des Noirs pour divertir.

Q : Mais certains des figurants noirs dans l’exposition ont défendu l’ouvrage et ses intentions antiracistes.
R : Ils ont, comme nous tous, tout à fait le droit à leur opinion, mais il semble évident que les gens qui ont postulé pour une participation, salariée, à cette exposition, étaient parmi ceux qui ne la trouvaient pas raciste. Les Noirs enchaînés ne sont pas seulement présentés comme des objets passifs, mais ils sont esthétisés, rendus objet d’art par les lumières décoratives le silence et la musique. Ce n’est pas de l’antiracisme.

Q Cette exposition a déjà eu lieu à Paris en 2013, sans qu’il y ait une campagne antiraciste pour s’y opposer.
R : Le fait qu’on ait pu rater l’occasion la dernière fois ne peut pas nous empêcher de nous y opposer cette fois

Ceux et celles qui lisent l’anglais peuvent trouver des informations sur la campagne réussie à Londres, ici : http://boycotthumanzoouk.com/ et un vidéo sur la campagne sur Youtube (chercher “Exhibit V for Victory — Human Zoo Cancelled in London”)

Source : http://johnmullenagen.blogspot.fr/