Vous êtes ici : Accueil » Communiqués / luttes et débats » Livres Etudes Débats » Afrique : Contre l’exclusion des élèves enceintes

Afrique : Contre l’exclusion des élèves enceintes

D 1er décembre 2022     H 18:02     A Paul Martial     C 0 messages


Ce sont des milliers de jeunes filles qui sont exclues du système scolaire du fait de leur grossesse ou de leur statut de mère. Victimes de violences sexuelles, de mariages forcés, les autorités de certains pays africains renforcent les discriminations en empêchant la scolarisation de ces jeunes filles. Si des évolutions positives sont perceptibles, elles sont freinées par une politique patriarcale largement partagée par les dirigeants africains.

Le droit à l’éducation des jeunes filles est reconnu par l’Union Africaine dans sa charte relative aux droits des femmes, adoptée en 2003. La réalité est toute autre concernant les jeunes filles enceintes ou mères. Encore récemment, dans certains pays, elles étaient systématiquement exclues de l’école.

Une morale au service du patriarcat

C’était le cas en Tanzanie, sous la présidence de John Magufuli, catholique convaincu et père de cinq enfants. Il va mener une campagne contre la contraception et est à l’origine de la loi bannissant du système scolaire les jeunes filles mères ou futures mères. D’autres pays ont appliqué une réglementation similaire comme la Sierra Léone située en Afrique de l’ouest ou le Mozambique en Afrique australe. Les autorités scolaires étaient même habilitées à obliger les jeunes filles à passer des tests de grossesse.

Beaucoup d’hommes dans les milieux politiques justifient ces dispositions discriminatoires au motif de la défense de la morale. Evidemment seules les jeunes filles en sont victimes car les élèves identifiés comme pères, dans la plupart des cas, ne sont pas renvoyés des écoles. Une morale qui est largement à géométrie variable puisque ce sont les mêmes qui défendent les mariages précoces, parfois avec des fillettes. Cette idéologie est partagée dans toutes les strates de la société. Ainsi au Nigeria, l’ancien gouverneur de l’Etat de Zamfara, situé au nord du pays, qui concourt pour les élections à la présidence de la république de 2023 s’est marié à l’âge de 61 ans avec une fillette égyptienne de 13 ans après un versement d’une dot de 100 000 dollars. Il considère cette union comme compatible avec la charia qu’il a d’ailleurs introduite dans la région lors de son mandat.

Crise économique et mariage précoce

Ce sont ces mêmes personnes qui sont vent debout contre le relâchement des mœurs dans la jeunesse. Leur puritanisme hypocrite confine au ridicule. En Ouganda les députés ont adopté une loi anti pornographique interdisant… les minijupes. Elle fut abrogée par la Cour constitutionnelle suite aux actions des militantes féministes. Ces politiciens ne cessent de lutter contre les tentatives d’inclure dans le cursus scolaire une éducation sexuelle.

Le mariage précoce est un véritable danger pour les fillettes et jeunes filles. Outre que dans la quasi-totalité des cas il s’agit d’unions forcées, il représente un danger pour la santé des filles, et est souvent synonyme d’abandon du parcours scolaire.
La crise du Covid 19 a eu un effet amplificateur du nombre de mariages arrangés par les familles pauvres dans un but de survie. Les statistiques du ministère des Affaires féminines du Zimbabwe révélaient que lors des deux premiers mois de l’année 2021, près de 5 000 élèves étaient enceintes et parmi elles 1 770 ont subi un mariage forcé.

Des avancées très insuffisantes

Sous la pression militante, la situation s’est un peu améliorée.
Certains pays accueillent dans le système éducatif les jeunes filles enceintes ou jeunes mères comme au Bénin, au Lesotho, en République démocratique du Congo ou en Mauritanie. Le Zimbabwe a récemment adopté des lois qui garantissent l’accès à l’école à toutes les élèves. La Sierra Léone a profondément changé sa position en adoptant des mesures dites « d’inclusion radicale ».

Par contre si d’autres pays confirment le droit d’accès à l’école, ils imposent comme par exemple en Ouganda, un congé maternité à partir de trois mois de grossesse ce qui n’est justifié en rien et confirme l’ostracisme des autorités vis-à-vis de ces jeunes filles. Les tests obligatoires de grossesse sont maintenus et le retour à l’école est conditionné par un accord parental.

Quant à la Tanzanie elle maintient son principe d’interdiction de l’école et a mis en place un « Parcours éducatif de substitution », en d’autres termes des écoles spéciales pour ces jeunes filles. Un programme qui devait être financé par la Banque Mondiale qui a annulé in extremis sa participation financière face aux protestations des organisations féministes et des droits humains.

Heureusement, les mobilisations féministes en Afrique réussissent à faire bouger les lignes et à chaque recul du patriarcat, c’est le droit à l’éducation pour toutes qui avance.