De l’OUA à la nécessité de la refondation souverainiste de l’UA !
30 mai 2025 20:53 0 messages
De la naissance de l’OUA
Il y a 62 ans, 32 États indépendants d’Afrique se retrouvaient un 25 mai à Addis-Abeba pour fonder l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). 1963, c’était trois ans après l’accession au droit d’avoir un drapeau, un hymne, un État des deux courants indépendantistes national révolutionnaire panafricain dont les figures de proues étaient Kwame Nkrumah, Modibo Keita, Sékou Touré et Gamal Abdel Nasser et national réformiste à sa tête L. S. Senghor, Houphouët Boigny et Bourguiba. L’OUA fut ainsi baptisée par les chefs d’Etats qui voulaient « accomplir » et par ceux qui voulaient « trahir » la « mission » libératrice que « chaque génération doit découvrir » selon la formule de Franz Fanon.
Née d’un tel compromis entre indépendantistes radicaux et néocoloniaux, l’OUA prolongeait le piège de la seconde balkanisation qu’a été la « loi cadre » qui préfigurait l’implosion des entités panafricaines coloniales AOF et AEF en entités territoriales émiettées qui vont chacune aller, divisée, à l’indépendance. La « loi cadre » était donc une stratégie de division pour saboter le projet panafricain du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) de « l’indépendance dans l’unité ».
Ce compromis historique entre indépendantistes radicaux panafricains et néocoloniaux réformistes a été obtenu sur la base de « l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation » et la « coopération pour parachever la libération du continent du colonialisme ».
La petite bourgeoisie radicale indépendantiste progressiste a concédé à la bourgeoisie réformiste l’érection des frontières au sein de l’AOF/AEF de l’empire colonial français et au sein des territoires de l’empire colonial britannique en proclamant « intangibles les frontières Étatiques ». Pour parachever cette stratégie de division, les impérialistes et leurs laquais néo-coloniaux vont liquider les éphémères Fédération du Mali et l’Union Guinée Ghana Mali par les coups d’États contre Nkrumah et Modibo.
A l’actif de l’OUA, il faut signaler la reconnaissance de la République Saharouie et un soutien plutôt porté par les radicaux indépendantistes que les réformistes néocoloniaux aux luttes de libération nationale des colonies portugaises, de la Namibie, du Zimbabwe et anti-apartheid d’Afrique du Sud. Les unes après les autres les luttes armées anti-coloniales en Angola, Guinée Bissau-Cap-Vert, Mozambique, Zimbabwe, Namibie et Afrique du Sud avec l’apport de Cuba socialiste vont débarrasser l’Afrique du colonialisme direct.
L’OUA signe son arrêt d’inutilité politique et sa servilité néocoloniale par son silence face à l’appel de Thomas Sankara en 1987 de « refuser collectivement de payer la dette, car si je le fais tout seul je ne serai pas parmi vous au prochain sommet » et son laisser faire de l’assassinat de cet illustre président qui a fait un temps rêver d’une Afrique en voie de libération.
Au baptême de l’UA
Le cataclysme de la fin du monde bipolaire avec la fin de l’URSS et du camp socialiste d’Europe va assommer les courants révolutionnaires et progressistes souverainistes anti-impérialistes. L’impérialisme Euro-Atlantique/G7 et Israélien va se lancer dans le projet de « re-mondialisation » de son hégémonie séculaire sous l’égide de l’impérialisme Yankee. Cette « re-mondialisation » prend la forme du totalitarisme de la pensée unique libérale imposée au monde et à l’Afrique par le biais de la dette, des plans d’ajustement structurel du FMI/BM et le dévoiement des luttes populaires africaines vers la généralisation à travers « les conférences nationales de la démocratie multipartite » néocoloniale. Elle se manifeste aussi sous la forme du cycle des guerres d’agression de l’impérialisme contre l’Irak, la Yougoslavie, l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire, la Libye, etc.
C’est dans ce contexte qu’est impulsée la mutation de l’OUA en UA par les États de la partie sud de l’Afrique et la Libye d’abord en 1999 au sommet de Syrte puis en 2002 à Durban en Afrique du Sud.
Se définissant comme « une Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale », l’UA se dote d’institutions spécialisées et d’organes spécialisés dont « la création d’institutions financières continentales : (la Banque centrale africaine (BCA), le Fonds monétaire africain (FMA) et la Banque africaine d’investissement (BAI)) ».
Panique à bord chez les impérialistes voyant que l’axe Libye et Afrique du Sud/Namibie/Angola/Mozambique s’orientait vers une coopération économique rompant avec la dépendance verticale extravertie aux économies impérialistes, il fut décidé de s’attaquer à la Libye en instrumentalisant le prétendu « printemps arabe » pour y prolonger la politique de la canonnière Otanienne ainsi qu’en Syrie. Pourquoi la Libye ? Parce que comme nous l’écrivions en août 2011 dans notre article intitulé « Guerre coloniale de la Françafric, de l’Eurafric et de l’Usafric contre le peuple Libyen », les impérialistes reprochaient à Khadafi : « D’avoir empêché jusqu’ici la mise en place de « l’union Europe-Méditerranée » par laquelle le grand patronat Français veut rééquilibrer la construction européenne dominée par l’Allemagne ; D’être à l’initiative du Fond Monétaire Africain (FMA) qui est un fond africain qui rompt le monopole quasi - exclusif qu’impose jusqu’ici le FMI et la Banque Mondiale à l’Afrique ; D’être l’une des parties à l’origine du projet en cours de réalisation du satellite à 100% africain ; D’avoir investi dans les pays d’Afrique notamment dans des infrastructures à des taux d’intérêts bas ; D’avoir transformé la Libye en pays d’Afrique avec un niveau de vie proche de celui des pays développés avec l’éducation et la santé gratuites ; D’avoir diversifié les fonds souverains en dollars, euros et surtout en réserve d’or ; D’avoir nationalisé le pétrole, le raffinage et expulsé les bases militaires US ; D’avoir doté la Libye d’un réservoir en eau unique au monde ; D’avoir soutenu les luttes de libération nationale en Afrique et dans le monde contre les colonialistes ».
et à l’AES et le Sénégal
Une fois la Libye ramenée à l’âge de pierre et le meurtre sauvage de Khadafi obtenu, les djihado-terroristes armés jusqu’au dents ont essaimé dans le Sahel se mêlant aux séparatistes et ethnicistes pour planter leurs griffes dans les États des bourgeoisies bureaucratiques néocoloniales dont la faillite réside dans la généralisation de la corruption et du vol impuni de l’argent public. C’est là un processus d’embourgeoisement de la petite bourgeoisie intellectuelle néocoloniale. Les classes politiques, y compris les gauches révolutionnaires et communistes, ont été happées par les capitulations et l’intégration des principaux leaders à la tête des partis dans les systèmes néocoloniaux dont pourtant les militants ont été les meneurs et sacrifiés des luttes pour la démocratisation des dictatures néocoloniales civiles et militaires qui ont sévi entre 1960 et 1990.
Ces vingt années, 1990 et 2010, ont révélé aux yeux d’une partie de plus en plus importante de l’intelligentsia et de nos peuples la faillite totale des dictatures néocoloniales soumises au FMI/BM, des alternances démocratiques qui font se succéder des régimes politiques ayant tous la même politique libérale apatride dictée par les plans libéraux d’ajustement structurel et qui en plus dans le cas du Mali, Burkina, Niger se sont révélés complices de la duplicité des impérialistes françafricains, eurafricains et usafricains dans leur prétendue « guerre contre le terrorisme » dans le cadre de leur stratégie réactionnaire de dupe de « choc, guerre de religions, de cultures, de civilisations » et « d’occupation militaire du Sahel » comme nous l’écrivions dès 2010.
Si dans les pays de l’AES, la corruption généralisée par l’intégration de la quasi-totalité de la classe politique dans le système néocolonial a empêché l’existence d’une offre politique alternative, malgré l’effort de certains des résistants de la gauche communiste comme nos camarades de Sanfin du Mali, c’est au Sénégal qu’a émergé, en plus d’une minorité de résistants de gauche communistes, une offre politique alternative à l’intégration des ex-gauches, notamment communistes au néocolonialisme.
Dans l’AES, c’est donc la fraction souverainiste des armées nationales qui est venue parachever les révoltes populaires contre les États faillis et au Sénégal, la rébellion souverainiste s’est dotée d’un parti-front et de leaders qui ont chassé dans les urnes le régime néocolonial.
L’actuelle seconde phase souverainiste de libération africaine voit donc s’opérer le développement plus ou moins rapide des prises de consciences inégales souverainistes, mais tendanciellement historiquement en hausse constante.
La crise de la CEDEAO/UEMOA avec le départ de l’AES préfigure la crise qui va progressivement atteindre l’UA dont les chefs d’États néocoloniaux sont de plus en plus confrontés aux exigences de souveraineté des peuples.
L’AES, qui rappelle la mort-née Union Guinée/Ghana/Mali, est l’antithèse du piège attrape-nigaud de « l’unité par la coopération » qui fut le sceau de naissance de l’OUA et de sa mutation en UA. L’AES est vite passée à la « confédération » qui doit être une phase de transition vers la « fédération » des peuples et États qui se sont libérés du néocolonialisme.
Que le Sénégal souverainiste confronté à une phase de transition dans laquelle une sous-phase de redressement des finances publiques se révèle incontournable, œuvre, nous l’espérons avec le nouveau gouvernement du Ghana, à empêcher la poursuite de l’utilisation par les impérialistes de la CEDEAO/UEMOA contre l’AES est déjà très positif et doit être considéré comme une étape préparatoire à la convergence puis à l’unité avec l’AES confédérée le moment venu.
C’est ainsi que nous tirerons les leçons des échecs de l’OUA pour refonder à terme l’UA en une confédération puis une fédération des États souverains d’une Afrique débarrassée du néocolonialisme.
25/05/25
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