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Épidémie de variole simienne mpox : quels enjeux en France et à l’international ?

D 1er septembre 2024     H 05:30     A Armelle Pasquet-Cadre, Eric D’Ortenzio     C 0 messages


Armelle Pasquet-Cadre, Inserm et Eric D’Ortenzio, Inserm

Le 14 août 2024, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré « une urgence de santé publique de portée internationale » concernant l’épidémie de variole simienne mpox (anciennement appelée « variole du singe ») qui sévit en République démocratique du Congo (RDC).

Quelle stratégie vaccinale en France ? Quelle disponibilité du vaccin en Afrique ? Pourquoi la situation est préoccupante alors qu’il existe un vaccin efficace et de tests de diagnostics fiables ? On fait le point.

Pourquoi l’OMS a-t-elle lancé une alerte sanitaire mondiale au sujet du mpox ?

La flambée actuelle de mpox en RDC n’a pas débuté en août 2024… mais en novembre 2023. Et depuis le premier cas de mpox décrit chez l’être humain en 1970, la RDC a connu plusieurs flambées de mpox. Si le directeur général de l’OMS a déclaré que cette nouvelle flambée constitue « une urgence de santé de santé publique de portée internationale », c’est du fait de plusieurs évènements majeurs.

D’abord, sur place, en RDC, une équipe de recherche de l’Institut national de recherche biomédicale (INRB) a identifié un nouveau clade du virus ; un clade étant le terme scientifique approprié pour nommer deux « variants » d’un même virus, qui se distinguent par des mutations dans leurs génomes (c’est-à-dire dans leur patrimoine génétique).

Ce nouveau clade a été nommé clade 1b pour le distinguer de l’autre, le clade 1a, qui était le seul qui circulait jusqu’alors en RDC.

L’OMS s’inquiète de la propagation rapide de ce nouveau clade 1b en RDC ainsi que dans des pays voisins.

Dans l’état actuel des connaissances, que sait-on des spécificités du nouveau clade 1b ?

Il convient de rappeler que le mpox se manifeste généralement par des éruptions cutanées, parfois extrêmement douloureuses qui évoluent en pustules puis en croûtes. Le clade 1a, qui affecte majoritairement les enfants de moins de 15 ans, se transmet par contacts rapprochés cutanés via ces lésions.

En revanche, le clade 1b, nouvellement identifié, présente la particularité de toucher les personnes adultes et de se transmettre de manière privilégiée lors de contacts sexuels. Ce mode de contamination du nouveau clade 1b par contacts sexuels est un point de préoccupation pour l’OMS.

Autre différence : chez l’enfant contaminé par le clade 1a, les lésions peuvent apparaître sur l’ensemble du corps, parfois au niveau des muqueuses – ce qui peut gêner l’alimentation –, des yeux… Dans l’état actuel des connaissances, il semblerait que les lésions occasionnées par le nouveau clade 1b soient davantage localisées au niveau des organes génitaux.

Toutefois, il est important de souligner que le nouveau clade 1b est émergent donc les scientifiques manquent encore de recul pour le décrire.

Ainsi, nombre de questions restent à élucider sur le volet de la transmission : ce nouveau clade est-il plus transmissible que celui qui a circulé en 2022 ? Outre la contamination via des lésions au niveau des organes génitaux et du fait de contacts physiques étroits, le nouveau clade 1b est-il également transmissible par des fluides comme le lait, le sperme, les sécrétions vaginales ?

Enfin, des inquiétudes se font jour quant à la létalité de ce nouveau clade 1b, c’est-à-dire le pourcentage de décès qui surviennent parmi les personnes infectées par le mpox.

Particules du virus mpox (rose), dans une cellule infectée (verte) cultivée en laboratoire, vues au microscope électronique à transmission après coloration
Particules de virus mpox (en rose), dans une cellule infectée (en vert) cultivée en laboratoire, vues au microscope électronique à transmission, après coloration. NIAID, CC BY

Depuis le début de l’année 2024, l’OMS a rapporté des taux de létalité élevés qui avoisinent les 4 % sur l’ensemble des cas suspectés de contamination par les virus mpox de clade 1a et 1b en RDC. Cela signifie que près de 4 personnes infectées sur 100 sont décédées. Mais les chiffres sont plus élevés chez les nourrissons et jeunes enfants.

Quelle différence entre l’épidémie actuelle et celle de 2022 ?

Actuellement, en RDC et dans les pays avoisinants, sévissent le clade 1a (qui se transmet essentiellement via les lésions sur la peau et qui est présent depuis des décennies dans le bassin du Congo) et le clade 1b (nouvellement identifié et qui se transmet par contacts sexuels).

Il existe également un autre clade de mpox, appelé clade 2. Originellement basé plutôt en Afrique de l’Ouest, il s’est propagé hors du continent africain. C’est ce clade 2, et plus précisément le clade 2b (issu du clade 2 initial après qu’il a subi des modifications génétiques) qui a été responsable de la flambée qui a sévi en 2022 en Europe, en Amérique et en Asie.

À l’occasion de cette épidémie mondiale, il a été observé que le clade 2b se transmettait par contacts sexuels, en particulier chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. C’était alors la première fois qu’une transmission de virus mpox par voies sexuelles était mise en évidence.

Pourquoi les clades se distinguent-ils par différents modes de transmission ?

L’évolution du virus, depuis qu’il a été décrit la première fois chez l’être humain en 1970, nous donne des éléments de compréhension des modes de transmission de ce virus, aussi du profil des personnes contaminées. À l’origine, le mpox se transmettait plutôt de l’animal à l’être humain, et touchait généralement les enfants, suite à des contacts avec les animaux.

À ce propos, soulignons que les animaux concernés étaient généralement des rongeurs, et non des singes, même si la dénomination « monkey pox » (expression anglaise signifiant « variole du singe ») a longtemps été utilisée.

Un vaccin est-il disponible contre cette nouvelle épidémie de mpox ?

Un vaccin est recommandé par les autorités de santé en France comme à l’international, compte tenu de sa bonne tolérance et de son efficacité (estimée entre 76 et 87 % après une première dose), selon les indications en vigueur émises par la Haute autorité de santé lors de l’épidémie multi-pays de clade 2 (avis du 8 juillet 2022 mise à jour le 3 janvier 2023). Il s’agit d’un vaccin contre la variole dit « de troisième génération » (vaccin MVA-BN pour Modified Ankara Vaccine, développé par Bavarian Nordic au Danemark).

Comme le mpox et la variole font partie de la même famille des orthopoxvirus, cela permet au vaccin développé contre le virus de la variole d’être indiqué contre le mpox.

À noter que l’OMS préconise aussi le recours à deux autres vaccins (un autre vaccin antivariolique de troisième génération développé au Japon, voire un vaccin de deuxième génération si ceux de troisième génération ne sont pas disponibles).

Le vaccin de troisième génération recommandé en France est commercialisé sous les noms de marque Imvanex ou Jynneos. Sur son site Internet, le ministère de la santé français précise la stratégie vaccinale et, notamment, le nombre de doses recommandé (une ou deux) selon que l’on a été ou nom vacciné contre la variole dans l’enfance, avant 1980. Il fournit également toutes les informations pratiques sur la vaccination et, le cas échéant, la prise en charge d’éventuels cas de mpox sur le territoire.

Il y a deux ans, lors de l’épidémie provoquée par le clade 2b, en France, il avait été procédé à la vaccination de personnes à risque et de sujets qui avaient été en contact avec des malades. Mais concernant l’épidémie actuelle, certaines questions restent néanmoins en suspens en matière de stratégie vaccinale : faudra-t-il vacciner à nouveau les personnes qui ont été vaccinées en 2022 ? Deux ans plus tard, restent-elles protégées contre le clade 2b ? Enfin, les scientifiques se demandent si le vaccin sera tout aussi efficace contre le clade que l’on vient d’identifier.

Pourquoi la situation à l’échelle mondiale est-elle préoccupante malgré l’existence d’un vaccin ?

Pour lutter contre le mpox, il existe un vaccin qui a montré son efficacité lors de précédentes flambées et des outils de diagnostics biologiques fiables (tests basés sur la technique PCR, pour « polymerase chain reaction », ou « réaction en chaîne par polymérase », NDLR). Ces moyens sont accessibles dans des pays comme la France.

Concernant le vaccin, la question cruciale réside dans son manque d’accès en RDC. Ce pays connait des épidémies de mpox à répétition et, à ce jour, aucun vaccin n’est mis à disposition pour protéger sa population.

Il convient d’évoquer également le manque de disponibilité des tests de diagnostic biologique qui se pose de manière criante. La complexité de cette épidémie vient aussi du fait qu’en RDC, les moyens de diagnostics biologiques ne sont pas disponibles partout et font défaut notamment dans les territoires reculés.

La varicelle ou la rougeole font partie des maladies auxquelles on peut également penser face à un tableau clinique qui évoque le mpox (on parle de diagnostics différentiels), en particulier chez l’enfant. On comprend alors combien le comptage des cas et la surveillance sont rendus difficiles pour les agents de santé et soignants qui sont amenés à établir le diagnostic à partir des lésions, sans pouvoir le confirmer par des tests biologiques fiables.

L’alerte de l’OMS a été lancée du fait de la recrudescence des cas en RDC et dans les pays voisins, en raison de l’identification de ce nouveau clade et du fait de l’absence de vaccins. L’objectif est donc de mobiliser l’ensemble de la communauté internationale et les bailleurs afin de tenter de mettre en place une coordination globale pour déclencher une réponse adéquate.< !—> The Conversationhttp://theconversation.com/republishing-guidelines —>

Armelle Pasquet-Cadre, Infectiologue - Responsable du pôle dispositf de crise, ANRS | Maladies infectieuses émergentes, Inserm et Eric D’Ortenzio, Médecin, Clinicien et Epidémiologiste, Directeur du département Statégie & Partenariats, ANRS Maladies infectieuses émergentes (ANRS MIE), Inserm

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.