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La tournée (franç)africaine de Macron

D 23 septembre 2022     H 05:00     A Paul Martial     C 0 messages


Le voyage de Macron au Cameroun, au Bénin puis en Guinée-Bissau, du 25 au 28 juillet, était placé sous le signe du renouvellement dans les relations entre Paris et l’Afrique. Dans les faits, son objectif était de regagner le terrain perdu par la France sur le Continent. À cette fin, Macron n’a pas hésité à envoyer un message des plus rassurants aux dictateurs, s’abstenant de toute critique sur les violations des droits humains au motif que « la France n’a pas de leçon à donner à qui que ce soit ».

La simultanéité des voyages du ministre russe Serge Lavrov et de Macron en Afrique est certainement une coïncidence, mais elle illustre cependant la concurrence que se livrent les deux pays sur le continent. Les Russes tentent d’amplifier leur influence auprès des dirigeants africains.

Françafrique et Russafrique

En effet, les pays visités par Lavrov — l’Égypte, l’Éthiopie, l’Ouganda et le Congo-Brazzaville — ont comme point commun d’avoir voté contre ou de s’être abstenu lors du vote pour la suspension de la Russie comme membre du conseil des droits de l’homme des Nations unies, et d’entretenir des relations distendues avec les pays occidentaux. L’Égypte est victime d’un embargo des USA sur l’armement, la guerre que mène l’Éthiopie au Tigré est condamnée par les pays occidentaux, la politique répressive de Museveni en Ouganda est dénoncée par les USA. Quant au Congo-Brazzaville c’est une opération de charme que mène la diplomatie russe visant à affaiblir le pré-carré africain de la France. D’autant que le fils du dictateur Sassou Nguesso est visé par la justice française dans le cadre des biens mal acquis.

Paris n’a eu de cesse de critiquer la politique russe sur le continent. Des critiques qui portent sur la spoliation des richesses des pays, les interventions militaires et les violations des droits humains. Bien que ces critiques soient justes, elles restent inaudibles tant la politique de la France sur le continent est à l’identique, et ce depuis des décennies.

Ce voyage se déroule sous le sceau de la reconquête de l’influence française affaiblie. Cette volonté, l’Élysée l’a réaffirmée lors de la conférence des ambassadeurs le 1er septembre. Macron a alors évoqué la mobilisation des médias comme RFI ou France 24 dans ce but. Cette déclaration a déclenché l’ire des journalistes rappelant qu’ils et elles n’étaient pas les porte-voix des autorités françaises.

Rassurer les dictatures

Regagner le terrain perdu implique une politique beaucoup plus conciliante à l’égard des dictateurs qui s’accrochent au pouvoir. Il ne s’agit plus de sermonner les auteurs des fraudes électorales, des tripatouillages constitutionnels ou des attaques contre les droits humains mais d’adouber leur politique.

Ainsi, au Cameroun, Macron n’a pas dit un mot sur la gouvernance de Biya qui s’éternise au pouvoir depuis 40 ans, pas une déclaration au sujet des dizaines de prisonniers politiques qui croupissent dans les prisons, pas une condamnation des exécutions sommaires de civils par l’armée dans le nord du pays qui connaît une guerre sécessioniste. Au contraire, il s’est entretenu pendant une heure avec le fils Biya, pourtant simple affairiste sans responsabilité politique, mais pressenti pour remplacer son père au pouvoir. Une façon de légitimer une politique dynastique comme il l’a fait au Tchad.

Le nouveau chouchou africain de la Macronie

Patrice Talon, président du Bénin, le second pays visité, est le type de président qu’affectionne la Macronie. Il est jeune, libéral, ancien homme d’affaires et accepte volontiers d’être le faire-valoir de Macron autour de la restitution par la France de quelques œuvres d’art, présentée comme un événement historique.

Patrice Talon, c’est surtout l’homme qui a méthodiquement détricoté les droits démocratiques depuis son arrivé au pouvoir dans un pays pourtant considéré comme une référence en matière de démocratie. Désormais tous les opposants sont emprisonnés ou exilés, lors des élections législatives aucun des grands partis de l’opposition n’a pu se présenter. Il déclarait lors d’une réunion du Medef à Paris au mois d’août :

« Nous avons réduit au Bénin le droit de grève […]. La grève est limitée à deux jours maximum par mois. […] C’est un recul par rapport aux acquis de la démocratie, mais je n’ai pas l’ambition d’avoir une expression démocratique identique à celle de la France ». Et de revendiquer fièrement une autre réforme, celle de la dérégulation du droit du travail : « Au Bénin, on peut employer quelqu’un avec des contrats à durée déterminée indéfiniment. » Inutile de préciser qu’il fut chaleureusement applaudi par les patrons français.

Macron, dans sa tournée africaine, n’a fait qu’appliquer la vieille recette : choyer les despotes africains pour maintenir l’influence de la France. Il a juste ajouté une pincée de démagogie.