Les multinationales exproprient des terres,contrôlent l’alimentation du monde et perturbent le climat
4 mai 2014 05:46 0 messages
Assassinats politiques, guerres et révolutions créés de toutes pièces, pillages des ressources naturelles, propagation des maladies,… L’Afrique n’a pas fini de voir s’abattre sur elle des désastres venus de l’extérieur. Nous devons en effet, lutter actuellement contre un véritable fléau mondial : la spoliation à grande échelle des terres. Ce phénomène qui touche principalement L’Afrique a atteint une ampleur telle que l’on parle d’ « accaparement des terres « ou « land grabbing ». Mais cette dénomination n’exprime que modérément le scandale car, comme pour toutes les démarches mondialistes , ce n’est ni plus , ni moins qu’une recolonisation du continent africain.
Accaparement des terres : Les pays riches acquièrent par achat, bail à long terme, concession, usufruit de vastes superficies de territoires agricoles aux pays en voie de développement. Pratique qui existe depuis plus de 20 ans mais qui a connu une recrudescence sans précédent suite aux crises alimentaire (2007) et financière (2008). Ce phénomène atteint depuis des chiffres effarants qui ont mobilisé des populations, des organisations paysannes, des citoyens engagés, des observatoires et Instituts de recherche, ainsi que des organisations internationales.
Justification à l’accaparement des terres :
1. Les prix en hausse des denrées alimentaires de base ainsi que la demande croissante en agro carburants est une angoisse pour des pays ayant une forte consommation d’aliments et d’agro carburants. Ceux-ci dépendent de plus en plus des importations provenant de marchés dispersés dans le monde et sur lesquels ils n’ont par ailleurs pas de contrôle.
2. L’occasion pour les fonds d’investissements de trouver une valeur stable.
3.(En poussant un peu plus loin dans le cynisme )Une thèse revendique le fait que pour répondre à la demande alimentaire mondiale, il est nécessaire de moderniser les agricultures du sud et rentabiliser ses terres « sous –utilisées » .
La crise alimentaire a mis en exergue le fait qu’assurer la sécurité alimentaire devra être l’un des grands défis des années à venir. Pour des pays n’ayant pas assez de terres agraires, il a fallu repenser le mode d’exploitation agricole. Quant à la crise financière, elle a suscité une innovation dans les produits de spéculation en misant sur les produits de la terre. La politique en faveur des biocarburants est aussi une des raisons de cette « ruée vers la terre ». En produisant donc dans les pays pauvres ce qu’ils ne peuvent pas produire chez eux, les pays riches ont le moyen d’une part, de simplement générer des bénéfices grâce aux spéculations. Et d’autre part, ont la garantie de s’approvisionner, à bon marché, en denrées alimentaires et en agro carburants et ce sur le long terme (Les acquisitions autres que les achats ont une durée de 30 à 99 ans renouvelable)
Accapareurs-accaparés
Par pays riches, on ne se limite plus dans ce cas d’espèce au clivage classique Nord-Sud. Mais l’on voit apparaître également des pays dit émergents.
Les accapareurs : – Les gouvernements : Les États du Golfe, Les Etats-Unis, une partie de l’Union européenne, la Corée du Sud, la Chine, le Japon, l’Inde et l’Afrique du Sud. – Les entreprises : Des industries, des groupes de l’agro-alimentaire, et des fonds d’investissement (ceux des pensions sont les plus grands investisseurs).
Les terres accaparées : Principalement en Afrique. Les terres accaparées sont également en Amérique latine, en Australie et en Europe de l’Est.
Accaparement et conséquences
L’expropriation : Les conditions pour les accapareurs sont extrêmement favorables :
Les paysans ne possédant pas de titre foncier, réglementations inexistantes, incapacité ou manque de volonté des gouvernements d’imposer un cadre qui profiterait aux populations, coûts très bas. L’appropriation des terres a le soutien des gouvernements toujours accommodants avec ce genre d’investissement. Les organismes internationaux FMI, Banque mondiale et autre banques de développement soutiennent également cette politique. Pour ne parler que du cas de l’Afrique le projet d’accaparement promettait des emplois pour les paysans, un recul de la pauvreté. Mais la réalité est moins idyllique. Les paysans se font exproprier sans ménagements ou alors se font racheter / louer leurs terres par des méthodes fallacieuses.
Dépouillés, ils ne cultivent plus et ont difficilement accès à la nourriture. Certains se rabattent sur les villes où ils viennent grossir les bidons-villes.
Selon tous les rapports, la stratégie « gagnant-gagnant » promise par les investisseurs n’apparaît dans aucune des régions accaparées. Les accaparements des terres qui s’apparentent d’ailleurs fréquemment à un accaparement de ressources minières ne génèrent aucun bien-être économique ou social local, le seul but étant le bénéfice du pays acquéreur. La politique d’accaparement des terres porte atteinte aux souverainetés nationales et est susceptible, à cause des frustrations qu’elle fait naître au sein des populations, d’être source de conflits régionaux à moyen ou long terme.
Dans un rapport l’Association des Amis de la Terre a d’ailleurs souligné l’importance de toutes les dimensions que revêt l’attachement à la terre pour les populations africaines : « Pour la majorité des sociétés africaines, la terre n’est pas un simple bien économique ou un atout environnemental, mais une ressource sociale, culturelle et même ontologique. La terre reste un facteur important dans la construction de l’identité sociale, l’organisation de la vie religieuse, la production et la reproduction culturelles. Le lien entre générations est en fin de compte défini par le complément de ressources en terre que les familles, les lignées et les communautés partagent et contrôlent .La terre est vraiment complètement intégrée dans la dimension spirituelle même de la société » Ces exploitations agricoles sont nocives pour le climat : – L’accaparement des terres s’apparente également à un accaparement des eaux. En effet, Les cultures pour produire les agro carburants sont un gouffre qui absorbe des quantités précieuses d’eaux. – Lorsque les terres ne suffisent plus, place à la déforestation, à la destruction de ressources naturelles et donc à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre – L’utilisation de pesticides et cultures d’OGM détruisent également la santé, la faune et la flore. La spéculation cause la flambée du prix des aliments Par leurs activités de trading, les banques, sont les plus grands spéculateurs sur les marchés des denrées alimentaires (ainsi que des matières premières). On les appelle d’ailleurs « les spéculateurs de la faim ».
Elles font grimper les prix des produits agricoles .Certaines pour être plus performantes, s’associent par exemple à des sociétés mondiales de courtage et influent ainsi directement sur des stocks de matières premières. C’est le phénomène d’hyper-spéculation. En 2012, les agences des Nations-Unies FOA, PAM et FIDA ont tiré à ce sujet la sonnette d’alarme de crainte de voir se reproduire une nouvelle crise alimentaire. Elles ont appelé à une action internationale pour faire face à la hausse des prix des produits les plus indispensables : les aliments.
La résistance à l’accaparement
Quelques exemples La résistance est faible dans la plupart des pays et est violemment réprimée. Mais aux côtés des associations paysannes et des activistes locaux se dressent des ONG , des associations et des organisations. Au travers des manifestations, campagnes, conférences et forums. Il se forme ainsi une résistance internationale qui a plus d’écho. – La figure emblématique de la résistance à l’accaparement des terres est le Madagascar où en 2008, le peuple a gagné une bataille contre la compagnie sud-coréenne Daewoo. Celle –ci avait marchandé avec le gouvernement malgache la location de 1,3 million d’hectare. Le bail, d’une durée de 99 ans, devait permettre d’assurer une production annuelle de 5,5 millions de tonnes de maïs à la Corée du Sud. La colère des paysans a entraîné la destitution du président Ravalomanana. –
En 2013, Oxfam a réussi grâce à sa campagne « Banques : la faim leur profite bien » à convaincre deux banques à suspendre ou fermer des fonds spéculatifs sur les matières premières agricoles(BNP Paribas ,le Crédit agricole) – Dans une actualité plus récente, au mois de janvier : Herakles Farms , une entreprise de Wall Street a entrepris de faire, dans la région sud-ouest du Cameroun, une plantation de palmiers à huile de 20 000 hectares qui se heurte à la forte opposition des communautés concernées. Nasako Besingi et son ONG Struggle to Economise Future Environment (SEFE), accompagnés par d’autres activistes et organisations locales, luttent depuis longtemps pour protéger les droits de la population et pour préserver les forêts dans la zone où opère Herakles. Ils ont été soumis à des menaces, des procès, des arrestations et des attaques violentes. [Une action panafricaine : signer la pétition pour que Herakles Farm cesse ses intimidations contre Nasako Besingi et d’autres activistes : http://farmlandgrab.org/post/view/23108-des-activistes-camerounais-au-tribunal-pour-protestation-pacifique-contre-un-accapareur-de-terres-de-wall-street]
Liens utiles : — Renseignements et actualités sur accaparements des terres :http://farmlandgrab.org/search
– Cartes mondiales de l’accaparement des terres en 2010 : http://www.commercialpressuresonland.org/press/la-colonisation-agricole-nouvel-apanage-des-pays-riches
– Chronologie, les cartes et les chiffres en temps réel des accaparements des terres dans le monde , grâce à l’Observatoire mondial des terres :http://www.landmatrix.org/en/nts
– Documentaire 2014 : « Sans terre, c’est la faim » : http://filmsdeloeil.com/sans-terre-cest-la-faim/ Site officiel du film : http://nolandnofoodnolife.com/ –
– Listes des principaux courtiers et banques qui influent sur le marché des commodities et leurs dérivés : http://www.commoditybusinessawards.com
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