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Afrique : "Les homosexuels sont pris pour cibles"

D 4 juin 2011     H 04:36     A Jules Giraudat     C 0 messages


Le 17 mai marque la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie. A l’origine de cette mobilisation, Louis-Georges Tin*, à Paris, analyse la vague de répression qui frappe le continent africain.

En Ouganda, une proposition de loi a été déposée qui vise à rendre les homosexuels passibles de la peine de mort. Qu’en est-il ?

La proposition de loi du député David Bahati prévoit de condamner à mort les homosexuels séropositifs et "récidivistes", et rend obligatoire la délation sous peine de prison. Avec cette loi barbare, être malade du sida devient un facteur pénalement aggravant. Le pouvoir remue les sentiments homophobes de la population ougandaise pour la détourner des problèmes qui ruinent le pays. C’est une manoeuvre de diversion politique. Cela avait été le cas avant l’élection présidentielle de février 2011, et ça reprend aujourd’hui alors que des émeutes contre la corruption et la pauvreté secouent le pays. La proposition n’a pas été examinée au Parlement, le 13 mai, comme prévu initialement. Mais elle pourrait être présentée de nouveau dans quelques jours. Les homosexuels sont utilisés comme des boucs émissaires.

La situation des homosexuels n’est-elle pas en train d’empirer en Afrique ?

Malgré une mobilisation citoyenne qui gagne du terrain, la condition des homosexuels s’aggrave dans beaucoup de pays du continent. Il y a par exemple des reculs évidents en Ouganda, en Afrique du Sud ou au Cameroun. Deux tiers des pays africains pénalisent toujours l’homosexualité, obligeant ces personnes à vivre dans une clandestinité terrible. Victimes de la stigmatisation et de l’isolement, les homosexuels n’osent pas aller se faire dépister ou soigner du sida. Résultat, le sida renforce l’homophobie et réciproquement.

Comment expliquez-vous la multiplication des "viols correctifs" en Afrique du Sud, le seul pays africain qui a autorisé le mariage homosexuel ?

Le paradoxe est criant. L’Afrique du Sud est l’unique pays du continent à reconnaître le mariage homosexuel, mais il est aussi le premier pays du monde à avoir inclus explicitement dans sa Constitution la protection des homosexuels. Or le phénomène des viols dits "correctifs", censés remettre "dans le droit chemin" les lesbiennes, connaît une augmentation inquiétante. Cela prouve que la législation avance plus vite qu’une société sud-africaine qui reste très violente. Il existe un grand manque de prévention et de sensibilisation.

D’où vient cette homophobie ?

Elle s’explique en partie par la colonisation. Les anciens pays de l’Empire britannique ont hérité du puritanisme de l’époque victorienne et des "sodomy laws", qui interdisaient les rapports homosexuels. Après la décolonisation, des intellectuels et des dirigeants africains ont repris cet héritage homophobe pour se démarquer de l’Occident "décadent", qui s’engageait dans la voie de la dépénalisation de l’homosexualité. Ces idées ont également été entretenues par des pasteurs étrangers, et notamment américains en Ouganda, qui ont soutenu les lois antihomosexualité. Paradoxalement, les anthropologues ont montré qu’avant la colonisation de nombreux rituels à caractère pédérastique existaient en Afrique. Le dernier roi du Buganda (ex-Ouganda), Mwanga II, avait par exemple une cour de pages qui étaient ses amants.

* Louis-Georges Tin est maître de conférences à l’université d’Orléans et enseignant à l’Ecole des hautes études en sciences sociales.

Source : http://www.lexpress.fr

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