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Intervention française au Mali : le pyromane et le pompier

D 22 mars 2013     H 05:44     A Moulzo     C 0 messages


« L’étranger a de gros yeux mais ne voit pas. Proverbe malien »

La France de Sarkozy a été, de 2007 à 2012, une France
décomplexée. Dans l’intérêt de la France, tout a été bon,
sans aucune pensée aux conséquences. Il fallait coûte que
coûte que la France rayonne.

Sarkozy et Kadhafi lorsqu’ils étaient « amis »
Ainsi, en Libye où il a fallu dégommer Kadhafi, Sarkozy et ses
sbires ne se sont pas posé de questions. Les Touaregs qui avaient
servi le dictateur libyen ont tout simplement été utilisés à d’autres
fins : servir les intérêts français. Il y a eu certainement marché
entre la France et le MNLA (Mouvement national pour la libération
de l’Asawad) bien avant l’attaque du mouvement touareg contre
le Nord du Mali. Ainsi, pour comprendre ce qui se passe
actuellement, il faut remonter le temps lorsqu’il a paru nécessaire
à Nicolas Sarkozy, d’exécuter purement et simplement le guide
libyen. Aujourd’hui, les accusations de financement de la
campagne de 2007 font craindre le pire. La nécessité de cacher
ces financements, les accusations de Takieddine, ex-porteur de
valises lâchés par ses acolytes doivent nous interpeller. N’oublions
pas par ailleurs que le guide libyen a planté sa tente à l’Élysée
après la libération des infirmières bulgares.

C’était bien la
première fois qu’il était reçu sans complexe par un pays
occidental depuis des années. Rama Yade avait alors eu le
courage de dire que « le colonel Kadhafi doit comprendre que
notre pays n’est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant,
terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses
forfaits ». Elle n’avait pas tort puisque la visite de décembre 2007
qui était sensé rapporter à la France des contrats mirobolants
n’avait en réalité servi que les intérêts du dictateur. Bref, Sarko
s’était bien fait roulé dans la farine. Son orgueil personnel
appelait une vengeance féroce qui trouva l’occasion de s’exprimer
lors du printemps arabe qui emporta tant de dictateurs. Bien
évidemment, on ne va pas les plaindre mais n’oublions pas que
les gouvernements occidentaux s’en sont bien accommodés
pendant de nombreuses années. Et Sarkozy n’aurait certainement
pas levé le petit doigt si Kadhafi avait respecté ses engagements
d’acheter des mirages. Certes, certaines entreprises françaises en
ont bien profité puisque le président fut malgré tout un bon VRP
pour ses copains patrons mais en réalité « la visite en grande
pompe de Mouammar Kadhafi aura donc handicapé la diplomatie,
sans renflouer les caisses des fleurons de l’industrie français.
Aujourd’hui, elle est surtout une terrible erreur politique de
Nicolas Sarkozy »[1].

Il fallait donc réparer l’erreur. Car des erreurs il y en a eu. Comme
celle de s’allier avec le MNLA pour chasser les islamistes
d’AQMI[2]. Comment expliquer en effet, qu’une colonne
surarmée, quitte la Libye, traverse le Niger pour rallier le Mali
sans qu’aucun pays de cette zone n’ait rien à redire ? La DGSE
(Direction Générale de la Sécurité Extérieure) a-t-elle conclu un
accord avec le MNLA qui n’a pas tenu ses engagements ? ATT[i]
était-il dans le coup, lui qui avait tout intérêt à ce que les
élections ne se tiennent pas puisqu’il n’avait pas le droit de se
présenter après deux mandats ? Les zones d’ombre sont
nombreuses car beaucoup de monde avait intérêt à déstabiliser
cette zone du Sahel y compris les islamistes et les bandits
touaregs du MNLA qui pouvaient ainsi contrôler une zone de nondroit
et faciliter les trafics en tout genre.

Lorsque Hollande le social démocrate arrive au pouvoir le 6 mars
2012 en battant Sarkozy, les dés étaient déjà jetés. La crise
libyenne n’était pas encore finie. Les dégâts collatéraux de la
libération du pays (grâce au meurtre de Kadhafi) vont s’avérer
pire que la guerre pour le chasser puisqu’ils toucheront d’autres
pays comme le Mali.

Hollande et son homologue sénégalais Macky Sall
Pour être objectif et juste, il faut reconnaitre que François
Hollande n’a aucune sympathie pour Nicolas Sarkozy qui d’ailleurs
le lui rend bien. Et ce n’est pas un hasard si Nicolas veut sa
revanche sur François et s’il n’arrive pas à se faire oublier en
continuant tranquillement ses conférences à l’américaine
grassement rémunérées.

La politique de Sarkozy n’est pas celle d’ Hollande. Leurs deux
discours en témoignent. Hollande répare les erreurs de Sarkozy. A
Dakar où Sarkozy avait déclaré le 26 juillet 2007 que l’homme
africain n’est pas assez entré dans l’histoire, Hollande rectifie le
tir, le 12 octobre 2012, en affirmant « L’histoire d’une fraternité,
aussi. Celle de combats menés ensemble ».

Au Mali, Hollande a hésité, attendu que l’Union africaine réagisse,
que la CEDEAO prenne une décision mais rien n’a été fait. Les
islamistes, eux, ne se sont pas posé de questions, ils ont continué
leur avancée. Fallait-il les laisser continuer jusqu’à Bamako ? La
véritable honte est bien celle de l’Union africaine qui a laissé un
de ses membres sombrer dans le chaos sans intervenir, attendant
avec impatience que la France le fasse. On aurait pourtant espéré
que la Sud-africaine Dlamini Zuma sonne le glas de l’influence
françafricaine sur l’union africaine (avec le Gabonais Jean Ping)
mais il semble que l’Union ait ses raisons que la raison ne connaît
pas. A quoi sert-elle donc ? Pourrait-on de nouveau questionner
la jeunesse africaine ?[3]

La gauche radicale française a peut-être raison de critiquer
l’intervention française. Au moins, ça aura permis un
communiqué commun du NPA (Nouveau parti anticapitaliste) et
de LO (Lutte ouvrière). Il est juste aussi d’être contre
l’interventionnisme guerrier de la France, il n’y a pas de doutes.

Mais, il faut le reconnaître, il est injuste de mettre Sarkozy sur la
même ligne qu’Hollande comme si le seul but de la France était
de dominer l’Afrique. Peut-être bien qu’il arrive qu’un président
français soit obligé de réparer les erreurs de son prédécesseur.

Moulzo

[1] http://www.lexpress.fr/actualite/politique/qu-a-rapporte-la-visite-de-kadhafi-a-la-france_965242.html

[2] Il s’agit là d’un soupçon d’alliance

[3] http://www.afriquesenlutte.org/afrique-de-l-est/somalie/article/famine-dans-la-corne-de-l-afrique

[i] Amadou Toumani Touré a été porté au pouvoir par un coup d’État en mars 1991. Le militaire avait dirigé une
transition avant de rendre le pouvoir aux civils. Il avait ensuite été élu président en 2002, réélu en 2007 et devait
quitter le pouvoir en juin à l’issue de ses deux mandats maximum légaux. Il a été renversé le 22 mars, à cinq
semaines de la présidentielle, par des militaires qui l’accusaient d’incurie dans la gestion de la crise en cours
depuis mi-janvier dans le Nord du Mali.