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A PROPOS DU BILAN DU RÉFÉRENDUM DE FODÉ DIAGNE

D 21 avril 2016     H 13:43     A     C 0 messages


Une opération de discrédit tous azimuts

La lecture du texte de Fodé Diagne daté du 25 mars, paru dans « Afrique en lutte » (journal en ligne), ici
n’a pas été aisée du fait des incohérences et autres confusions qu’il comporte. Mais elle nous offre
l’occasion de prendre la plume pour tenter d’éclairer les zones d’ombre, les omissions et autres
amalgames qui ne permettent pas de poser les vraies questions pour apporter les bonnes réponses
dans le souci de contribuer à la clarification du débat sur la question du référendum tenu le 20 mars
2016 au Sénégal. Pour un souci de clarté et de précision, j’ai opéré à un regroupement thématique
des questions principales qui me sont apparues, sans avoir la prétention d’épuiser tous les problèmes
soulevés par le texte. Et Dieu sait qu’il y en a et qui ne sont pas toujours en congruence avec le projet
du texte proposé à notre attention.

1- De la tentative de discréditer le OUI victorieux

Fodé tente de faire un bilan sur la base des résultats provisoires. Exercice un peu hasardeux. Parce
que les conclusions, reposant sur de l’aléatoire, risquent d’être approximatives, subjectives et
fausses. Partant des appréciations des résultats provisoire et de l’interprétation qu’en font des
acteurs du camp du OUI qui clame leur victoire, Fodé y perçoit de la magouille ou plus
précisément un « soupçon de magouilles ». Il y découvre « un sentiment de profond malaise du camp
ouiiste » dont on ne sait exactement sur quoi il est fondé. A moins que cela ne soit son propre
sentiment qu’il exprime ainsi. Car, généralement les résultats provisoires ne peuvent dessiner que
des tendances interprétées par chaque camp, selon ses positions et informations, sans que cela ne
puisse être décisif ni trancher quelques perspectives que ce soient.

On se retrouve ainsi avec un amalgame de chiffres allant de ceux du ministre de l’intérieur à ceux
donnés par les mouvements de la société civile, en passant par ceux de la presse. Finalement, la
question qui se pose est la suivante : à quels chiffres se fier ? N’est-ce pas plus sage, plus
scientifique, si l’on se veut objectif, d’attendre les chiffres officiels pour en faire une lecture
sereine ? Et les chiffres sur lesquels on peut désormais se fonder pour éviter toute spéculation
vaine, ce sont ceux-là délivrés par le Conseil Constitutionnel. Ils établissent définitivement, sans
contestation aucune, les résultats suivants : Le courant du ‘’OUI’’ a obtenu 1 367 592 des voix, soit
62, 64% des suffrages contre 815 655 voix en faveur du courant du ‘’NON’’, soit un taux de 37,
36% des suffrages. Le taux de participation est de 38, 59%, soit 61,41% d’abstention.
« Comment peut-on considérer que ce référendum garde une once de légitimité alors que plus de
60% de la population inscrite en 2012 sur les listes électorales ont exprimé ouvertement leur rejet
total du waxeet présidentiel en boycottant les urnes ? », s’interroge Fodé.
Et, brodant ainsi sur le taux d’abstention, il tente d’ôter toute légitimité au OUI et même au
référendum qu’il qualifie de « mascarade référendaire », en évoquant les taux de participation aux
référendums organisés sous Senghor (1963 et 1970) et sous Wade (2001), sans prendre le soin
d’analyser les conditions historiques pour les différencier et sans même percevoir que sous Wade,
avec le multipartisme, on quitte les taux de plus de 90% (conditions du parti unique, sans
identification de l’électeur, sans isoloir, etc.) pour entrer dans une nouvelle ère : celui de 65%.

Voilà qui mérite bien une analyse plus approfondie, en prenant en compte plusieurs facteurs
parmi lesquels : les conditions politiques, économiques et sociales de tenue du référendum, le
désengagement du Président Macky de s’appliquer la réduction du mandat de 7 à 5 ans, l’absence
de concertation aboutie avec alliés et forces vives de la nation, la précipitation avec laquelle la
date a été retenue, le délai court pour une bonne compréhension du contenu de la consultation, la
confusion, l’intoxication, la manipulation des sentiments religieux développées par l’opposition,
etc.

Au surplus, il faut rappeler que le taux de participation au référendum de cette année (38,59%)
est supérieur à celui relevé lors des législatives de 2012 (36,67 %). Pourtant, ni Fodé et cie ni
l’opposition n’ont crié au scandale et déclaré illégitimes les législatives de 2012. Or, tout le monde
sait qu’après la Présidentielle, les législatives sont plus courues que les référendums. Là aussi la
réflexion s’impose, pour ne pas rester sur des certitudes toutes faites.
Fodé estime que "la majorité du peuple a refusé de légitimer le référendum du waxeet
en s’abstenant voter ». Il ne se rend même pas compte qu’il se met une tarte en pleine figure. Car,
en disant cela, il affirme que ceux qui sont allés voter NON dont lui et ses « révolutionnaires » ont
légitimé la « mascarade référendaire » du waxeet. Poursuivant son exercice périlleux, il ose écrire
noir sur blanc « Aux votants du NON (1 000 000 de voix) s’ajoute les non votants qui s’élèvent à 3
300 000 électeurs soit un total de 4 300 000, c’est-à-dire 80% du corps électoral, qui n’ont adhérés au
projet de révision du Président Macky SALL". »

Comment peut-on, un seul instant, avec sérieux et objectivité, prétendre que ceux qui
s’abstiennent d’aller voter sont pour le NON ? C’est vraiment prendre ses lecteurs pour des
enfants que d’avancer une telle idée. Une petite dose de probité intellectuelle aurait dissuadé Fodé
d’user d’un tel procédé qui ne mérite même pas d’être commenté.

Mais il ne s’arrête pas en si « mauvais » chemin. Car, après son opération factice, il prétend que le
camp du OUI a dû « s’emparer des deniers publics pour organiser à grande échelle l’achat du vote
des électeurs. » Faire ainsi dépendre la victoire du OUI de l’achat du vote des électeurs, c’est faire
injure à la conscience de ceux-ci, n’avoir aucun respect pour eux et ignorer ou faire semblant
d’ignorer qu’avec le système électoral actuel, il est difficile voire impossible de faire voter au
moyen de l’argent. S’il en était autrement, les deux alternances survenues au Sénégal n’auraient
jamais pu avoir lieu.

Par la suite, Fodé tente de faire la différence entre le NON des libéraux du PDS et celui des
« révolutionnaires de gauche antilibéraux, démocrates et patriotes panafricanistes… » dont il se
réclame. Ils ont, dit-il, marché séparément avec les Wadistes, Seckistes, etc. Il a omis d’indiquer
qu’ils ont également frappé ensemble l’adversaire commun pour faire triompher le NON dans les
urnes.

Cependant, en matière d’élection, il est pratiquement impossible de distinguer les bulletins du
NON provenant des "révolutionnaires" de ceux venant des libéraux. Dès lors, la différence reste
enfermée dans la phrase de Fodé, dans l’intention, dans l’esprit des siens. Puisque, dans la
consultation électorale, on ne compte ni la phrase, ni l’esprit avec lequel on vote, mais le nombre
de bulletins, il est évident que, mis à part Fodé et ses « révolutionnaires de gauche », nul ne peut
saisir objectivement cette différence.

Si l’on ne s’en tient qu’à la réalité des choses telles qu’elles sont, l’on doit se rendre à l’évidence
qu’il n’y a eu dans ce référendum que deux camps : celui du OUI piloté par Bby et celui du NON
dont la colonne vertébrale était constituée par le PDS et ses satellites.
Ajoutons à cela que, dans la campagne, le drapeau brandi par l’opposition "Gor ca wax ja" repose
bien sur le même socle de rejet du "waxeet" clamé par "les révolutionnaires" de Fodé pour le
même objectif : la sanction de Macky et se son régime.

Le triomphe du NON aurait certainement donné beaucoup plus de clarté aux enjeux politiques
ouverts comme cachés des libéraux. Pour nous, il ne fait pas de doute que ces derniers auraient
été le fer de lance d’une dynamique de subversion politique sans pareille, quitte à plonger le pays
dans le chaos, pour faire partir Macky et son régime et revenir au pouvoir, sans que « les
révolutionnaires » de Fodé ne puissent, sauf avec des phrases pleines d’intention et d’esprit
révolutionnaires, s’y opposer.
Et, dans les conditions géopolitiques d’aujourd’hui de la sous région et de la région, une telle
perspective aurait été catastrophique pour notre pays. Donc, en votant NON avec le PDS et ses
satellites, Fodé et cie ont appuyé, objectivement, le projet des libéraux de Wade et cie, conscients
du fait que, selon les propos de Fodé lui-même, « pour des raisons liées au besoin à la fois
d’échapper à la traque des biens mal acquis et de revanche politique, le PDS est ses multiples
satellites ont appelé au NON ». Où est la démarcation concrète d’avec les libéraux ?

Ne parvenant pas à la trouver, à nous la démontrer concrètement, il entre dans une colère noire
contre pour accuser « Certains ouiistes du waxeet de gauche qui ont rallié le coup tordu anti-Assises
Nationales du libéral Macky Sall ont tenté mensongèrement de semer la confusion entre la gauche du
NON au waxeet présidentiel et les nonistes libéraux du PDS et ses démembrements. »

2- De la tentative de jeter le discrédit sur les signataires de la Charte des Assises au pouvoir

Fodé dit « Il est scandaleux de voir toute la classe politique du pouvoir nécolonial régnant, qui a
signé la charte des Assises Nationales, crier "victoire" après l’avoir trahi. »
Crier au scandale à propos d’une trahison de toute la classe politique signataire de la Charte des
Assises nationales, c’est ne pas comprendre ce que sont ces conclusions et ne pas avoir pris le soin
de procéder à une étude comparative des réformes proposées au Référendum avec lesdites
conclusions, de manière plus précise avec l’avant projet de constitution de la CNRI. Car, un tout
petit effort dans ce sens lui aurait permis de noter que l’essentiel des points proposés au
référendum figure dans l’avant projet de la CNRI. Nous y reviendrons plus loin.

Et, en vérité, la question posée au Référendum n’était pas de faire un choix entre le projet de
révision constitutionnelle proposé par le Président de la République et l’avant projet de
Constitution proposé par la CNRI. Il ne s’agissait pas non plus de voter pour ou contre Macky ni
pour ou contre la décision du Président de la République de ne pas s’appliquer la réduction du
mandat de 7 à 5 ans.

Le référendum demandait l’avis des populations sur les 15 points de réforme
constitutionnelle : leur adoption (Oui) ou leur rejet (Non) par le peuple votant. En
conséquence, répondre à une telle question supposait l’étude précise des points proposés. Et pour
quiconque se préoccupe uniquement de l’intérêt des populations et de la santé de notre
démocratie, la seule question qui méritait d’être posée était de savoir si de telles propositions
constituent des pas de consolidation de notre démocratie ou non et si elles vont dans le sens de
sauvegarder les intérêts des populations ou non. Ce n’est que sur cette base que l’on peut
identifier l’attitude de défense ou de trahison des intérêts du peuple.
Fodé s’y essaiera, timidement et sans bonheur, à dire vrai.

3- De la décrédibilisation des points du référendum

Dans sa tentative de discréditer le contenu des points de révision constitutionnelle proposés au
référendum, Fodé commence par dénoncer le "Seppi" effectué par Macky Sall, mais ne peut luimême
s’empêcher de faire du "Seppi", quand il se décide à examiner les points proposés au
Référendum. En effet, il choisit 03 points sur les 15 pour les apprécier. Mais, comme toujours, ici
également, le manque d’objectivité l’emporte sur le souci d’un examen sérieux de la question.

Il pointe d’abord l’article 28 du projet de révision constitutionnelle proposé au référendum qui
parle de la nécessité pour tout candidat à la Présidence de la République de savoir lire et écrire
dans la langue officielle (le français pour le moment) et fait tout un développement sur l’exclusion
de millions de sénégalais de la candidature à la Présidence de la République.

Or, cette question
obéit à un principe de réalité ; une réalité historique intangible reconnue par tout sénégalais
objectif et qui peut changer selon l’évolution historique de notre pays. Du reste, c’est exactement
dans les mêmes termes que la disposition incriminée par Fodé est inscrite dans l’avant projet de
constitution proposé par la CNRI qui indique à l’article 58 : " Tout candidat à la Présidence de la
République... doit savoir lire et parler couramment la langue officielle." Est-ce à dire que la CNRI
également fait dans l’exclusion de millions de sénégalais ? Fodé a-t-il simplement lu cet article de
l’avant projet de constitution de la CNRI ?

Ensuite, Fodé s’attaque au "haut conseil des collectivités territoriales consultatifs", qui serait
« sans pouvoir réel », juste chargé de "donner son avis motivé sur les politiques de décentralisation et
d’aménagement du territoire", ignorant les limites des rôle et mission d’un organe consultatif. Or,
c’est sous ce titre que l’avant projet de constitution de la CNRI a inscrit « le Conseil national des
collectivités locales », équivalent du « haut conseil des collectivités territoriales », à l’article 138,
alinéa 1. Et un tel organe ne peut avoir d’autre « pouvoir réel » que celui attaché à sa nature et à
son objet d’organe consultatif. Mais Fodé, a-t-il simplement lu cet article de l’avant projet de
constitution de la CNRI ?

Enfin, Fodé s’insurge contre l’article 25-3 qui dispose par rapport aux devoirs des citoyens qu’il
estime ambigus en ce qu’ils relèvent, selon lui, « prioritairement des populations et non des
gouvernants ». Est ce que Fodé sait que l’article incriminé est exactement le même que celui inscrit
par la CNRI dans l’Avant projet de constitution en ses articles 52, 53, 54, 55, 56. Dans ce cas précis,
il s’agit bien des « devoirs des citoyens », ceux des gouvernants étant développés ailleurs. Mais
enfin, Fodé a-t-il simplement lu cet article de l’avant projet de constitution de la CNRI ?

C’EST À CROIRE MALHEUREUSEMENT QUE, PARTANT DE CES EXEMPLES, FODÉ N’A MÊME PAS
LU L’AVANT PROJET DE CONSTITUTION DE LA CNRI QU’IL PRÉTEND DÉFENDRE.

4- De la tentative de ménager les parties prenantes des Assises nationales

Pour dresser un bilan productif, Fodé passe vraiment à côté de son sujet, en omettant de poser les
bonnes questions, quand l’opportunité lui en est donnée. En effet, s’adresser au peuple des
Assises, pour lui demander de sortir de sa déception nous semble très court et ne permet pas de
se dégager de l’émotionnel. La véritable question à poser avec lucidité est celle de déterminer la
part de responsabilité de ce « peuple des Assises » dans le sort qui est fait aux questions de
refondation que portaient les conclusions des Assises inscrites dan l’avant projet de la CNRI et qui
n’ont pas figuré dans les propositions de révision constitutionnelle du Président de la République.

Pour un politique soucieux de vérité et d’objectivité, la question se pose en termes de rapport de
forces. Quel est le rapport des forces à l’intérieur de ce « peuple des Assises », entre ceux qui
voulaient une réforme profonde, une refondation du régime politique constitutionnel et ceux qui
avaient pour option des réformes limitées qui ne changeraient pas fondamentalement le régime
politique en cours ? Comment ce rapport de forces a évolué dans les Assises (2008-2009), après
les Assises de 2009 à 2012 et de 2012 à 2016 ? Pour toute partie prenante des Assises, individu ou
organisation, soucieuse de tirer les leçons de ce référendum, une telle réflexion est indispensable.

C’est à ce devoir qu’il faut convier « le peuple des Assises ». Ce n’est nullement la préoccupation de
Fodé mais, il nous faudra nécessairement l’aborder, si nous voulons tirer les leçons et avancer
dans la bonne voie.

5- De la tentative de crédibilisation du NON de la gauche des révolutionnaires

Fodé interpelle les forces du NON, uniquement parce que "le PDS n’est pas non plus crédible dans
l’opinion saine de la population", mais omet de prolonger plus loin sa réflexion. En effet, puisque,
au delà du Pds, « les révolutionnaires de gauche » et cie ont appelé ce même peuple à voter NON, il
aurait été plus conséquent d’indiquer sur quoi ces derniers sont interpellés.

C’est quand même
inqualifiable, cette méthode d’analyse qui consiste à tirer sur les autres et à s’épargner toute
interpellation, alors que l’Abstention a dit aux Ouistes et aux Nonistes de gauche comme de droite,
"je ne vous suis pas". Il aurait été d’un souci d’objectivité, d’une grande probité intellectuelle que
d’indiquer l’interpellation spécifique que l’abstention adresse à Fodé et à ses « révolutionnaires de
gauche ». La seule concession qu’il accepte de faire au « peuple abstentionniste », c’est (ce qu’il
sait déjà) qu’il y a "tout un travail à contre-courant à mener pour regagner (ne s’agit-il plutôt de
gagner, dès lors que la gauche des révolutionnaires n’a jamais effectivement exercé le pouvoir ?)
la confiance des travailleurs et du peuple". Léger aveu d’une douceur qui contraste avec la verdeur
des propos adressés aux autres « leaders de gauche ». Comme quoi, « l’enfer, c’est les autres ».

Cette interpellation devrait signifier objectivement et en toute honnêteté ceci : " nous gauche des
révolutionnaires et cie avons été rejetés par le peuple qui a refusé de nous suivre majoritairement
dans notre appel à participer au référendum et ceux qui, dans ce peuple, y ont participé ont refusé
de nous donner la majorité. POURQUOI ?". Fodé tourne ça de manière tout à fait inoffensive,
détournant avec adresse la pointe acérée de l’interpellation que le peuple fait particulièrement à
la gauche des révolutionnaires et cie. Et, la justification trouvée par Fodé pour réussir sa dérobade
est que lui, la gauche et cie sont « encore nationalement inaudible et en reconstruction ».

Fodé estime, avec le vote du NON, avoir sauvé l’honneur perdu de la gauche. En quoi l’honneur de
la gauche est il perdu ? Il ne le dit pas. Mais il apparaît, dans le discours de Fodé tout un langage du
domaine du chevaleresque : "honneur", "dignité ", "courage" dont il se targue d’être revêtu, lui et
sa gauche révolutionnaire. Mais, si nous restons dans la logique de Fodé, de quel honneur peut-on
se prévaloir quand le peuple dont on se réclame choisit de tourner le dos au NON pour voter OUI ?

Comment peut-on légitimement et sur quelle base objective, prétendre être les défenseurs du
peuple, quand celui-ci refuse de répondre à votre appel d’aller voter et qu’ensuite la majorité de
ceux qui ont participé au scrutin refuse de voter pour le NON que vous préconisez ? C’est d’une
incohérence sans pareille !

6- De la tentative de jeter le discrédit sur « certains leaders de gauche »

« Que des figures historiques de la gauche de notre pays soient encore une fois embarquées dans une
telle pourriture nauséabonde anti-éthique,anti-morale, anti-citoyenne est tout simplement
affligeant. » avance Fodé, pour dénoncer le ralliement de ces leaders de gauche à la défense du OUI
et tenter une explication psychologique de cette position qu’il a en horreur.

Mais, cette explication
ne va pas au delà du "complexe d’infériorité" dont seraient victimes ces leaders de gauche acquis
au OUI. Voici ce que dit Fodé « En fait certains leaders "officiels" de la gauche qui se prêtent à de
telles horreurs politiques ont un complexe de mésestimation et d’infériorité de soi au point de
considérer que seuls les libéraux et les sociaux libéraux peuvent gouverner le pays. »

Malheureusement, une telle assertion n’est pas assise sur une argumentation convaincante.
Déversant sa bile sur ces leaders de gauche, Fodé qualifie leur position de « faute majeure », sans
démontrer en quoi le fait de voter pour les réformes constitutionnelles est contraire aux intérêts
des travailleurs et du peuple. Nulle part, il ne fait la démonstration que ces réformes vont à
l’encontre des progrès de la démocratie. Il se contente d’enfiler allègrement de grosses perles de
caractérisations les unes plus négatives que les autres à l’encontre de ces « responsables politiques
labellisés de gauche » qui sont « d’une grossièreté arrogante et d’un cynisme bourgeois inquiétant ».
Des attitudes qui, selon Fodé, « montrent le marais fangeux profond dans lequel est tombé la classe
politique dans notre pays. » Facile, non ?

Après les avoir couverts de toutes les grossièretés, abreuvés d’injures les mieux senties et traînés
dans la boue, Fodé, en grand seigneur, tend la main à ces « dirigeants de gauche » en ces termes :
« Nous invitons certains leaders de la gauche ayant glissé dans la boue salissante du petit oui répudié
par le peuple de revenir au service de la seule option salvatrice pour le patrie qui est le travail pour
l’alternative de gauche aux libéraux et au sociaux libéraux. »

Mais ce geste de conciliation ne dure pas, car, comme s’il avait peur d’être sali par la boue, Fodé se
ressaisit et revient à la charge contre ces « dirigeants de gauche serviles » qui "n’ont ni le courage
de regarder en face les grenouillages et tripatouillages" et qui « n’ont pas osé dire à Macky » son fait,
qui « se sont encore couchés comme hier, sous A. Diouf, sous A. Wade » et qui sont, selon lui, des
"girouettes sans foi ni conviction, sans dignité, sans honneur ». Se faisant même le porte-voix de soidisant
avis émis au sein du peuple à l’encontre des dirigeants de gauche, Fodé leur crache son
mépris "cim ñoo ñàkk jom, xaalis rekk moo leen taxa jóg" (c’est moi qui corrige l’orthographe en
wolof), c’est à dire des dirigeants de gauche "qui ne sont intéressés que par l’argent". Pour cette
gauche, selon les dires de Fodé, « la "politique" est perçue comme le "moyen le plus sûr de
s’enrichir" » et « "de manger à tous les rateliers" ».

Vouloir expliquer la position politique de ces dirigeants de gauche par des questions purement
alimentaires, des questions d’argent, c’est vraiment manquer d’arguments en plus de propager
des points de vue réducteurs et calomniateurs que l’on prête au peuple. En vérité c’est son propre
mépris, sa propre impuissance à démontrer ce qu’il avance que Fodé exprime à l’endroit de ceux
qu’il nomme « dirigeants de gauche ».
L’attitude inqualifiable de Fodé à l’endroit des « dirigeants de gauche » ne mériterait pas d’être
soulignée, si elle ne mettait pas à nu toute la portée négative d’une volonté solide qu’elle exprime.

En effet, en tentant de discréditer « certains leaders de gauche », c’est toute la Gauche qu’il
discrédite, même s’il espère en se singularisant, y échapper. Voici comment.
Fodé se dit de gauche engagé avec son parti dans un processus d’unité de la gauche. Dans ce cadre,
les divergences apparues sur la question du référendum, devraient être traitées dans une
perspective constructive où les critiques et désaccords doivent être fondés sur une argumentation
articulée de manière cohérente et démonstrative. En lieu et place, il procède à des caractérisations
injurieuses, sans plus ; une tentative de jeter le discrédit sur ces autres « leaders de gauche », sa
cible principale dans son texte, tout en ménageant l’adversaire libéral du Pds et alliés. Le résultat
auquel il peut aboutir est, s’il réussit à être entendu, de rallier à sa cause l’opinion, de promouvoir
et de renforcer chez celle-ci l’idée selon laquelle même si, comme le dit Fodé « la gauche a incarné
historiquement les valeurs qui font d’elle la représentante politique des travailleurs et du peuple qui
souffrent des politiques libérales », elle est devenue une gauche « alimentaire » qui ne croit en rien.

Ce faisant, il participe ainsi à l’œuvre de décrédibilisation de la gauche et de manière plus élargie
des politiques, quel que soit leur bord.
Car, dans l’atmosphère polluée de dépolitisation de nos sociétés suscitée et entretenue par les
puissances impérialistes, à coup de propagande soutenue, de montage et de soutien (sponsoring
et financement) de franges de la société dite civile dont le crédo demeure toujours « les politiciens
sont tous des véreux dont il faut se démarquer » largement distillé dans l’opinion, l’opération de
Fodé conforte, objectivement, une telle politique. Il la renforce et la nourrit d’éléments sans
fondement, armes qu’il donne aux contempteurs des politiques, particulièrement de gauche, pour
tirer sur eux. Bien entendu, quelle que soit son intention, lui-même sera immanquablement
victime de ce discrédit qui n’épargnera aucun politique, surtout de gauche.

Ceci d’autant qu’il est
toujours (avec son parti), membre de Bennoo Bokk Yaakaar (BBY), coalition de la majorité
présidentielle au pouvoir et membre de la Confédération pour la Démocratie et le Socialisme
(CDS).
Quand Fodé interpelle cette coalition de la gauche pour lui faire injonction de choisir entre les
deux côtés de la barricade qu’il a érigée entre « le waxeet » et « le peuple ».

On peut simplement lui
demander, gentiment, de commencer lui-même membre de a CDS et de BBY de faire d’abord son
choix. A notre avis, la CDS devrait tirer les enseignements de ce référendum, approfondir l’étude
des questions fondamentales quelles révélent et surtout, de bien identifier ses faiblesses à
corriger pour mieux prendre en charge les tâches de l’heure, au plan politique, organisationnel,
etc., en poursuivant inlassablement la construction patiente et lucide de l’unité des forces de
gauche adossées aux conclusions des Assises nationales et de la CNRI.

En conséquence, cette attitude de Fodé doit être comprise dans sa portée réelle et dénoncée avec
vigueur dans ce qu’elle signifie de dangereux pour la cause de la gauche et de la politique, au sens
noble du terme.

Danuy faral di wax ne Réew dañ Koy péncoo, ken du ko pàccoo !

Kon làngug bëgg sa réew dañ Koy péncoo, ken waru ko pàccoo !

Dakar, le 16 avril 2016 El Hadji Momar Sambe

SG du Rta-S/Péncoo Réew

Membre de la CDS